Tout va bien Mademoiselle ! de Julien Cernobori et Hélène Ducharne, d’après Superhéros/Hélène, podcast de Julien Cernobori, adaptation et mise en scène de Christophe Garcia et Marie Rémond.

Crédit photo : Giovanni Cittadini Cesi.

Tout va bien Mademoiselle ! de Julien Cernobori et Hélène Ducharne, d’après Superhéros/Hélène, podcast de Julien Cernobori, adaptation et mise en scène de Christophe Garcia et Marie Rémond.

A cinq ans, Hélène récupère, passant par là, en toute insouciance, un staphylocoque. Et tout va de mal en pis, mais en catimini, sans qu’il n’y paraisse, remarquant, par exemple, qu’elle ne peut courir comme ses camarades au lycée au cours d’Education Physique et Sportive, vite épuisée.

Qu’à cela ne tienne, la fresque familiale est plutôt connotée négativement, le père travaille dur et fait les trois huit à l’usine, alors que sa mère, qui fut élève brillante, habite le foyer, si ce n’est jusqu’aux cinq ans encore de la fillette, où elle a assuré l’emploi de secrétaire chez un avocat.

Père et mère s’adonnent à l’oubli d’une vie désenchantée en passant par l’addiction à l’alcool : la petite fille n’a pas été soignée comme elle aurait dû peut-être l’être à l’époque avec un antibiotique. A quinze ans, tombe le verdict : son rein est malade, il faut le remplacer; des dialyses sont prescrites. La patiente subit, au cours du temps, plusieurs greffes, luttant contre la menace du rejet, repliée sur la dialyse – qui lui permet d’assainir mécaniquement son sang – veine et pompe.

Le corps part en guerre – champ de bataille et armes intérieures personnelles -, mais Hélène sait se battre, croisant un premier amour protecteur et de longues amitiés ensuite qui perdurent. Elle apprend en même temps que ses origines parentales ne sont pas exactement ce qu’elle avait cru. Elle découvrira bien plus tard, quand père et mère aimée seront défunts, la présence d’un Absent.

La vie malmène Hélène et celle-ci résiste à n’en plus finir, parlant avec soi et surtout avec ses nombreux amis qu’elle ne peut d’ailleurs tous citer dans le spectacle mis en scène par Christophe Garcia et Marie Rémond, comédienne étincelante qui incarne Hélène sur la scène avec brio.

La scénographie d’Estelle Deniaud propose un petit intérieur d’appartement, table, chaise et machine à café depuis laquelle l’interprète propose un café, par intermittences, à celui qui l’interroge et dont on n’entend pas les questions, mais que la réceptrice peut reprendre ou pas.

Une baignoire, une paravent, un buffet de cuisine et une table en Formica et ses chaises, des étagères de bibliothèque, une armoire, un chemin parsemé d’obstacles que la protagoniste emprunte, en se glissant habilement dans les travées et chemins d’existence qui sont les siens.

Marie Rémond dans le rôle d’Hélène est vraie et donc sublime, en ce qu’elle se glisse dans le personnage avec les mêmes doutes et les mêmes hésitations que la figure prototype, tellement reconnaissable dans cette façon si généreuse de s’exprimer – rythme enlevé, parole filée puis saccadée et heurtée qui correspond exactement au retour de la locutrice sur elle-même, pensant tout haut puis échangeant avec celui qui écoute, l’interpelant pour qu’il suive son raisonnement.

Une parole bienveillante qui convie la personne en face à se couler naturellement dans le cours verbal – une façon d’être qui invite à l’écoute, quand les propos suivent leur argumentation serrée, faisant de l’autre, le spectateur, un ami affectueux compréhensif, une âme attentive qui perçoit à peine cette amertume vite effacée tant la joie d’être et l’allégresse à être au monde l’emportent.

Les fréquentations durables et nombreuses à l’hôpital – croisements avec les soignants et personnel médical alentour – n’ont jamais fait disparaître la présence essentielle des amis aimés.

Prime la volonté de se soigner pour pouvoir sortir encore à l’extérieur, et goûter l’air du printemps.

Une leçon existentielle comme il en est peu, tant l’humilité et la modestie sont une seconde nature chez le personnage-interprète radieux et lumineux, en dépit de tout, d’abord passionné par la vie.

Un spectacle intense ne réclamant nulle commisération ni pitié : il revendique le bonheur d’être.

Véronique Hotte

Du 24 novembre au 19 décembre à 21h au Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt 75008 – Paris. Tél : 01 44 95 98 21 theatredurondpoint.fr  Du 18 au 21 janvier 2022 à La Comédie de Reims (Marne). Du 22 au 26 février 2022, Les Bernardines à Marseille (Bouches-du-Rhône).