La vie devant soi d’après le roman de Romain Gary (Emile Ajar), adaptation de Yann Richard et mise en scène de Simon Delattre

Crédit photo : Matthieu Edet

MATTHIEU EDET LA VIE DEVANT SOI S1-3

La vie devant soi d’après le roman de Romain Gary (Emile Ajar), adaptation de Yann Richard et mise en scène de Simon Delattre

Signé Emile Ajar, le roman de Romain Gary – prix Goncourt 1975 – raconte l’histoire d’amour d’un petit garçon arabe pour une femme juive âgée, Madame Rosa.

Momo se débat non seulement contre les six étages que cette mère de substitution ne veut plus monter mais encore contre la vie car « ça ne pardonne pas» et aussi«parce qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des raisons pour avoir peur».

Le petit garçon aidera Madame Rosa à se cacher dans son «trou juif», elle n’ira pas mourir à l’hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré «des peuples à disposer d’eux-mêmes» qui n’est d’ailleurs pas respecté par l’Ordre des médecins. Le garçon lui tiendra compagnie jusqu’à ce qu’elle meure et même au-delà de la mort, promet-il.

Avec Simon Delattre, comédien, marionnettiste et metteur en scène, le public et le lecteur de La Vie devant soi retrouve Momo – personnage tantôt narrateur et tantôt incarné par la vivacité de Tigran Mekhitarian -, à Belleville, chez Madame Rosa.

Le héros fraie avec les marionnettes – et Maia Le Fourn est comédienne en pied ou agrandie démesurément pour incarner Madame Rosa  qui du coup, ne porte qu’une toute petite tête, à la façon d’une tortue renversée qu’on aurait remise debout.

Un marionnettiste est présent, Nicolas Goussef, revêtu d’un imperméable et dont le bras est manipulé pour représenter le vieil ami arabe de Momo, lecteur de Victor Hugo et du Coran, installé dans un débit parisien bruyant, sa veste sur une chaise.

Et le marionnettiste caché interprète aussi le médecin de Madame Rosa au long cou étrange de dinosaure et à la tête minuscule qui tourne sur elle-même.

Des manipulateurs mais encore une interprète de blues, folk et rock – la musicienne Nabila Mekkid du groupe Nina Bluequi compose et chante en français, anglais et arabe. La chanteuse évoque Madame Rosa jeune dans sa condition passée de prostituée, qui s’occupe à présent des enfants de filles « parties se défendre en province ».

La scénographie de Tiphaine Monroty propose à la contemplation du public l’appartement de Madame Rosa dans un cube surélevé, le personnage est énorme à l’intérieur, et un escalier déployé en colimaçon développant les six étages à vaincre.

Le grand vent de solidarité – petite utopie perdue ou devenue plus invisible avec la « gentrification » des quartiers populaires de Paris –  auquel fait allusion Simon Delattre, quand il évoque La Vie devant soi, fait passer son courant d’ouverture et d’avenir prometteur entre les identités diverses ; semblables et mêmes, en réalité.

Le spectacle est enjoué et enlevé malgré des traits parfois caricaturaux – Madame Rosa n’est-elle pas un peu trop naïve dans cette enveloppe de baudruche volumineuse ? La marionnette finale monstrueuse est plus suggestive.

De même, la parole de Momo, adaptée d’une façon qui se veut contemporaine, fait d’une parole expressive d’adolescent la langue banalement excessive des banlieues – rythme et intonations -, un choix devenu discriminant, malgré de bonnes intentions.

Le spectacle plaît au public de la salle, Momo et Madame Rosa font un couple attachant.

Véronique Hotte

Théâtre Jean Arp,22 rue Paul-Vaillant Couturier – 92140 –Clamart, du 6 au 10 novembre 2018. Tél : 01 71 10 74 31.  Cherbourg, Le Trident, Scène nationale, les 6 et 7 décembre 2018. Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, CDN, du 16 au 18 janvier 2019. Marseille, Théâtre Massalia, du 24 au 26 janvier. Grasse Théâtre, le 29 janvier. Cavaillon, La Garance, Scène nationale, le 1erfévier. Strasbourg, TJP CDN d’Alsace, du 6 au 8 mars. Auray, Meliscène, Espace Athena, le 21 mars. Laval, Le Théâtre Scène conventionnée, le 30 avril.