Numance de Cervantès – nouvelle traduction et édition de Jean Canavaggio Folio Théâtre N°156 Gallimard

Numance de Cervantès, Nouvelle traduction et édition de Jean Canavaggio,  Folio Théâtre N°156

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La pièce Numance de Cervantès a été composée entre 1583 et 1585.

Son sujet est un événement historique, le suicide collectif des défenseurs d’une cité proche de l’actuelle Soria et dont on peut encore visiter le site.

Capitale des Arévaques, bâtie sur une colline abrupte à 1400 m d’altitude, Numance, à la différence des autres cités celtibères, a refusé de se soumettre aux Romains, tenant en échec, seize années durant, plusieurs consuls.

C’est alors qu’est envoyé en Espagne Scipion Emilien, le vainqueur de Carthage.

Refusant tout combat, Scipion dévaste la campagne environnante et entoure la ville de circonvallations gardées par soixante mille hommes. En 133 avant J-C, au terme de quinze mois de siège, la plupart des défenseurs affamés se donnent la mort plutôt que de se rendre tandis que les survivants sont vendus comme esclaves.

La ville est rasée et Scipion, rentré à Rome, obtient le triomphe.

Numance – synthèse dramatique de Cervantès – répond à un souci d’expressivité, créant un enchantement cohérent de scènes qui visent à illustrer la marche inéluctable de la ville de Numance vers sa fin.

Jean Canavaggio, spécialiste éclairé de l’œuvre, note qu’entre chaque destinée particulière et le destin collectif de la cité, s’établit un jeu de correspondances réorchestré par l’intervention des allégories : Espagne et Douro, quand l’encerclement de la ville a été décidé par Scipion ; Guerre, Maladie et Faim, au moment où les Numantins s’apprêtent à mettre fin à leurs jours.

De plus, le général essaie d’émouvoir et de séduire un enfant Barriato qui, après avoir redouté la mort, refuse d’entendre les paroles du général et se lance du haut d’une falaise dans l’immortalité. L’apparition finale de la Renommée, en couronnant la scène et en concluant la pièce, lui donne à la fois son éclat et son véritable sens.

D’un côté, Scipion et ses généraux, et de l’autre, Théogène et les chefs numantins, un ensemble autour duquel veille une constellation d’emplois : soldats, messagers, prêtre, femmes, enfants et allégories, unanimes dans le sacrifice de Numance.

La pièce présente un découpage en quatre journées au style sublime et à l’écriture tendue avec épithètes homériques, parallélismes, antithèses et sentences.

Cette œuvre est l’une des plus singulières que nous ait léguées le Siècle d’Or espagnol. La décision collective que prennent les assiégés exclut toute visée militante comme toute vision providentielle ; elle donne tout son prix à l’apologie de la résistance qu’elle incarne.

Ce geste de résistance s’insère dans le temps, à travers toutes les révolutions possibles. Selon Marie Laffranque, à propos du Siège de Numance, ce geste assumé signifie l’avènement d’une humanité qui, au lieu de se référer sans cesse à des exemples passés, se constitue comme son propre modèle et les propose aux siècles à venir. Cette résistance est sans cesse réactualisée, inaugurée il y a plus de soixante-dix ans pendant la Guerre d’Espagne, vive et redynamisée à nouveau.

Ce chef-d’œuvre est pris ainsi dans un jeu moderne de perspectives temporelles.

Véronique Hotte

Folio Théâtre N°156, Gallimard

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