Perceval Le Gallois – Graal Théâtre – de Florence Delay et Jacques Roubaud, mise en scène de Christian Schiaretti avec la complicité de Julie Brochen et les deux troupes du Théâtre National de Strasbourg et du Théâtre National Populaire de Villeurbanne

 

Perceval Le Gallois – Graal Théâtre – de Florence Delay et Jacques Roubaud, mise en scène de Christian Schiaretti, avec la complicité de Julie Brochen, et les troupes du Théâtre National de Strasbourg et du Théâtre National Populaire de Villeurbanne.

 Perceval le Gallois

Crédit Photo : Michel Cavalca

Le dramaturge stagiaire Pierre Causse voit en Perceval une pièce atypique dans le Graal Théâtre, la plus spirituelle du cycle – un parcours presque religieux – qui met en abyme un rite initiatique. Perceval part de rien, devient chevalier, rate de peu le Graal, puis suit un chemin d’errance et d’abandon qui le confronte à la violence du monde. Bavard d’abord dans ses références à sa seule mère, il privilégie ensuite le silence dans une dimension méditative pleine d’énigme.

S’il se tient au bord du mystère du Graal sans avoir jamais pu l’éclaircir, empêché par le non avènement d’une parole nécessaire, c’est qu’il ressent une peine coupable : ne pas s’être retourné un seul instant vers sa mère lors de son départ.

La mise en scène souriante et colorée de Christian Schiaretti, à travers la scénographie de Fanny Gamet et Pieter Smit et les costumes somptueux de Sylvette Dequest et Thibaut Welchlin, fait la part belle à la mythologie des enluminures du Moyen-Âge, ses aplats et ses vignettes.

Le spectateur est convié à tourner les belles pages d’un livre d’images enfantines, entre couleurs vives et abstractions scéniques, entre esthétique naïve et sensibilité romantique. Un autre monde, une autre poésie, un silence à des années-lumière.

À partir des panneaux coulissants et colorés, des fresques peintes dédiées aux souvenirs d’Yvain et de son Lion ou bien de la belle dame courtoise au visage mélancolique et penché, les scènes se jouent alternativement sur le plateau du Théâtre National de Strasbourg, d’un paravent à l’autre – côté jardin, les apparitions de Perceval et de sa mère et côté cour, la Cour du Roi Arthur (Xavier Legrand) et les chevaliers. Au-dessus, majestueuse et nue, la grande roue du Temps, un rappel de la Table Ronde. L’espace confiné en une galerie au départ s’élargit peu à peu selon la découverte du monde par Perceval et selon l’ampleur de ses rêves habités.

La scène du Roi Pêcheur assis non loin de sa barque est sublime de pureté, les moines cachés portent capuche et la nuit est magnifique de son ombre incertaine.

On retrouve les ensembles choraux et majestueux chers à Schiaretti : les chevaliers s’agenouillent en rond autour de leur suzerain et lui prêtent serment de fidélité.

Casques, hauberts, armures de couleur rouge, la parure est comique pour le Chevalier Vermeil endiablé (Juliette Plumecocq-Mech) sur le plateau de bois sonore.

Quant à Perceval jeune (Antoine Hamel), il dessine un enfant sauvage, élevé par les loups. Que n’est-on surpris, de voir les beaux atours apprêtés de sa décidée et sainte mère (Laurence Besson) qui abandonne dans l’ignorance son rejeton de fils.

L’univers de la chevalerie est transposé avec grâce, sans la moindre brutalité et avec un humour distancié : la monture du chevalier est représentée par son double pratique, un acteur portant une tête de cheval – les admirables masques animaliers sont de Erhard Stiefel – et ruant, jambe levée, aux instants dramatiques.

Blaise (Fred Cacheux), en soutane noire et austère de moine scribe, est le narrateur obligé, la voix de Chrétien de Troyes, qui raconte en les liant les scènes jouées en alternance, expliquant, commentant, prévenant ou encore dévoilant les actes à venir.

On aurait aimé que la mise en scène, savante et juste d’un point de vue sémantique, comique également avec ses caricatures joyeusement burlesques, s’engage plus avant dans des stratégies comparatives à celles de notre temps moins consensuel.

Dans ce décalage du regard, il manque l’urgence, la crudité et la chair, une dimension plus sauvagement humaine que sagement courtoise et si joliment policée.

 

Véronique Hotte

 

Théâtre national de Strasbourg, jusqu’au 23 mai, du mardi au samedi à 20h. Tél : 03 88 24 88 00