Mister Paul de Jean-Marie Besset, mise en scène de Agathe Alexis.

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Mister Paul de Jean-Marie Besset, mise en scène de Agathe Alexis.

Jean-Marie Besset fait retour sur sa ville de Limoux pour le projet d’écrire six textes, soit six portraits à la première personne de « Gens de Limoux » du XXème siècle.

Aussi affirme-t-il écrire au plus près de ces anonymes et de leur humour jusque dans le drame, de leurs secrets dans les détails les plus singuliers de leur existence ordinaire, n’en révélant pas moins chez chacun un destin extraordinaire.

Le premier de ces portraits n’est autre que Mister Paul / Gens de Limoux #1.

Située en région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée – dans le département de l’Aude, Limoux est une sous-préfecture. Les Limouxins, habitants de cette commune de 10.671 habitants, se disent accueillants et festifs. Avec ses musées et un Brass Festival, la ville est capitale de la blanquette, du carnaval et de la fête de l’Occitanie.

L’histoire de Mister Paul (1933-2000) commence ici, un territoire bien ancré où il naît sous le soleil et l’accent occitan – musique verbale d’un autre âge, parler des anciens de la région, expression orale désuète issue d’un territoire confidentiel, si l’on écoute parler la mère de Paul, ses amis du même âge, les camarades du fils et ses copines.

L’auteur et comédien Jean-Marie Besset se coule à plaisir dans ces parlures ourlées.

Ambiance joyeuse, sensation du bonheur, envie de gaieté et promesses d’avenir..

L’antépénultième d’une famille de neuf enfants, Paul a des parents ouverts et compréhensifs qui le soutiennent dans sa volonté juvénile et insouciante de faire du théâtre ; ils montent à Paris avec leur gamin afin qu’il rencontre Jean-Louis Barrault.

Or, le fils ne souhaite pas vivre seul loin de sa mère : il rentre à Limoux où il se consacre à des emplois de bureau dans de petites entreprises locales, s’apprêtant à épouser une riche héritière jusqu’à ce que la mère de sa fiancée ne se déclare…

Humour, légèreté, confiance, la vie semble caresser le protagoniste sans le toucher. De plus, il prend peu à peu conscience de sa préférence pour les hommes, les femmes n’étant que les compagnes des premiers, mais des amies, des confidentes.

Il part en Afrique, y résidant dix-sept ans, construisant la ligne ferroviaire du Transgabonais.

Pour décor, un paravent sur lequel est projeté un paysage équatorial, une table recouverte des couleurs vives d’un pagne africain qu’un flacon de whisky et quelques verres agrémentent pour la convivialité de la demeure.

Paul prend l’habitude de boire plus que de raison, seul ou conversant avec d’autres.

Il s’installe dans la brousse tant bien que mal, auprès de couples français d’amis qui le conseillent dans ses amours masculines – Raymond, puis Pierre -, qui finissent le plus souvent mal, dans la souffrance, quand bien même l’amoureux entreprend un voyage au Maroc dans la velléité de changer de sexe, un projet auquel il renonce.

Renonçant à l’Afrique, le baroudeur est à New-York où il est en charge du Programme des Nations Unies pour le Développement ; un paravent avec des buildings projetés sur la surface lisse de la toile tient lieu de scénographie.

Après sa carrière faite à New-York durant de longues années, il revient à Limoux.

Telle est la leçon de vie d’un être qui traverse les épreuves existentielles avec le sourire, et n’en conçoit pas d’amertume. Esquivant et fuyant les situations quand les dilemmes ne peuvent se résoudre, il préfère recommencer ailleurs une autre vie.

Amour, humour et élégance de qui ne se décourage jamais, et avance dans la vie en dépit de tout, en une période où il était peut-être plus facile de trouver un emploi.

L’Eden, n’est pas loin, du point de vue de Mister Paul, un expérimentateur qui sait apprécier les joies et les peines. L’interprétation de Jean-Marie Besset en homme-orchestre dans la distance et l’humour est dessinée dans ses moindres détails.

L’acteur sait à la fois rire de lui-même et de son personnage dans la mise en scène enlevée d’Agathe Alexis, toute en allusions implicites et dans l’ambiance du temps.

Le comédien se revêt de maints costumes, selon les situations, d’un casque colonial, d’une veste de daim, d’une veste de soirée, de chaussures à talons féminins – des silhouettes diverses qu’il admire toutes face à sa psyché consentante : un joli ballet.

Il chante avec justesse et bel élan, souriant de ses propres escapades et cadences.

Le public rit de bon cœur de ce charme désuet, entre cabaret et numéro d’acteur.

Véronique Hotte

Théâtre de L’Atalante, 10 place Charles Dullin 75018 Paris, du 3 décembre au 22 décembre, mardi, mercredi et vendredi à 20h30, jeudi et samedi à 19h, dimanche à 17h, relâche lundi. Tél : 01 46 06 11 90.