Des Roses et du Jasmin, texte et mise en scène Adel Hakim ( Editions L’Avant-Scène Théâtre ) – spectacle en langue arabe surtitré en français, créé en juin 2015 au Théâtre National Palestinien à Jérusalem et au Théâtre Al Quassaba à Ramallah

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Des Roses et du Jasmin, texte et mise en scène Adel Hakim ( Editions L’Avant-Scène Théâtre ) – spectacle en langue arabe surtitré en français, créé en juin 2015 au Théâtre National Palestinien à Jérusalem et au Théâtre Al Quassaba à Ramallah

Inscrite sur le territoire palestino-israélien, à travers trois générations couvrant plus de quatre décennies, de 1944 à 1988, se déploie l’action Des Roses et du Jasmin d’Adel Hakim, acteur, auteur, metteur en scène et co-directeur avec Elisabeth Chailloux du Théâtre des Quartiers d’Ivry – Centre Dramatique National du Val-de-Marne- installé nouvellement dans la magnifique Manufacture des Œillets réhabilitée.

Avec un dramaturge de choix pour l’occasion, l’écrivain Mohamed Kacimi.

Les événements se succèdent selon un fil historique extrêmement tendu, depuis l’explosion, lors du Mandat britannique, du quartier général de l’armée britannique à l’Hôtel King David à Jérusalem – attentat perpétré par l’Irgoun, organisation secrète de la lutte pour la création de l’Etat d’Israël – jusqu’au retrait des Britanniques en Palestine en 1948, puis, de la Guerre des Six Jours de 1967 et la résistance palestinienne de l’OLP – Gaza, Beyrouth – jusqu’à la Première Intifada en 1988.

Or, la grande Histoire ne saurait s’accomplir sans le terreau fondateur des petits arrangements existentiels qui font éclore la sphère intime – privée et familiale -, respiration salvatrice et accomplissement de soi au cœur de la société et du monde.

Mais sous le poids du passé, la liberté individuelle est encore à conquérir, à l’infini.

Des Roses et du Jasmin relate l’entremêlement identitaire – religieux et culturel – d’une famille qui fait se croiser les destins palestiniens et juifs des camps opposés.

Juive venue de Berlin, Miriam, épouse d’un officier anglais, met au monde Léa qui, dans les années soixante, s’éprend du palestinien Mohsen, et donne naissance à Yasmine, qui devient vingt ans plus tard militante palestinienne, et à Rose, qui choisit l’uniforme de soldate israélienne, les figues emblématiques Des Roses et du Jasmin.

A la façon d’une tragédie antique, selon la formule chère à Ariane Mnouchkine, la représentation scénique de l’action contemporaine Des Roses et du Jasmin ouvre une brèche significative – observation des événements, déroulement évocateur des faits objectifs suivis de leurs conséquences fatales dans une perspective historique.

Les morts s’accumulent et le sang coule – comme paradoxalement naturel -, mettant à mal le bien-être – euphémisme – de personnages habités par leurs convictions.

Amour, amitié et liens familiaux, la force des sentiments fait se mouvoir les êtres : aucune de ces figures entières n’accédera à la paix intérieure ni à l’apaisement.

Et pour que ne pèse pas trop sur les spectateurs la tragédie des événements, la mise en scène s’engage aussi dans la comédie et la farce grâce au jeu burlesque et grotesque des comédiens, présentateurs amusés et interprètes qui font le chœur.

Cette reprise a minima de l’assemblée antique des citoyens commente les actes décisifs des protagonistes, les encadre, jouant leur partition colorée dans l’humour :

« Une fête, c’est la vie….Alors, que la fête commence ! »

Duo de clowns scintillants dont le Monsieur Loyal du cirque et la réplique d’un duo de figures féminines enjouées – danseuses ou entraîneuses facétieuses de cabaret -, la roue tourne sous l’impulsion du verbe et de la parole de ces compte-rendu malicieux.

Les danseuses légères sont plus tard combattantes rudes ou bien soldates résolues.

La scénographie et les lumières d’Yves Collet ajoutent à l’esprit festif inscrit au milieu de la mort, inventant un espace radieux où se réfugient les personnages tragiques – une blancheur éclatante cernée de panneaux transparents obliques -, défunts gardiens qui assistent les vivants en reposant dans leur cœur qui se souvient.

Saluons la force déterminée des acteurs palestiniens – gestuelle et voix expressives de Hussam Abu Eisheh, Alaa Abu Gharbieh, Kamel El Basha, Yasmin Hamaar, Faten Khoury, Sami Metwasi, Lama Namneh, Shaden Salim, Daoud Toutah.

L’éclat circonstancié et dialectique d’un conflit obscur qui ne trouve jamais sa fin.

Véronique Hotte

Manufacture des Œillets, Théâtre des Quartiers d’Ivry – Centre Dramatique National du Val-de-Marne, du 20 janvier au 5 février. Tél : 01 43 90 11 11