Le jour du grand jour, impromptu nuptial et turlututu funèbre, par le Théâtre Dromesko, conception, mise en scène et scénographie de Igor et Lily, textes Guillaume Durieux

Crédit photo : Fanny Gonin

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Le jour du grand jour, impromptu nuptial et turlututu funèbre, par le Théâtre Dromesko, conception, mise en scène et scénographie de Igor et Lily, textes Guillaume Durieux

L’art du cérémonial et de la fête tombe à point nommé pour la dernière création de folie douce du Théâtre Dromesko, Le jour du grand jour, un spectacle facétieux et poétique révélé dans les lumières chaudes de la nuit caverneuse de la baraque mythique – bois blond doré et chaleur d’ambiance -, l’abri sentimental et social des concepteurs historiques – liberté et inventivité au pouvoir – Igor et Lily, qui ont imaginé pour le public un refuge populaire et rural, photos anciennes familiales et vieux cadres sur les parois extérieures, avec son odeur entêtante et artisanale de parquet de beau bois, au milieu de la pleine ville, au CENTQUATRE par exemple, dans le dix-neuvième arrondissement.

Deux transepts ont été fabriqués qui cernent la baraque, l’une à jardin, pour les solennités et l’autre à cour, pour la préparation des plaisirs culinaires. Les cérémonies religieuses ou profanes ont leurs règles, leurs codes, leurs étiquettes, leurs manières bien particulières. Le tapis rouge est déroulé précautionneusement selon la technique personnelle de la truie Carla qui déplie vivement l’accessoire scénique avec son groin, accompagnant de sa façon furtive et bestiale le déroulement ordonnancé des festivités.

La fête continue et se déroule encore, au moyen des mètres infinis de tulle blanche dépliée – ailes d’oiseau de mer, traînées de nuage blanc dans le ciel, souvenirs de tutu romantique, figurines de danseuse et mannequins gisants sur le plateau – une installation d’art contemporain -, et le dernier linceul enfin qui enveloppe le mort – antiquité égyptienne revisitée. Le tissu léger, long et élégant sied aux interprètes, enroulant les mariées et les momies défuntes, libérant le fourreau de sa matière, comme une métaphore des jours qui passent et ne reviennent plus. Un interprète fidèle revient, et c’est Charles, le marabout aux grandes ailes, qui de l’un à l’autre, se promène, après avoir sauté sur le dos de Lily puis d’Igor. À cette originalité non répertoriée ne pouvait répondre que la musique à la fois mélancolique et tonique du violoncelle – une dame pleurante – de Revaz Matchabeli, les ritournelles si belles et si obsédantes venues de l’Est chantées par Lily.

Le jeu choral des acteurs qui miment, dansent et chantent, tombent puis traînent sous la table, poussés ou tirés, endormis, pris par leurs songes ou l’ébriété, semblant voler entre le sol et les airs, de joyeux lurons sur la terre. Les jeunes filles accomplissent une chorégraphie bien frappée, escarpins hauts et robes soyeuses, puis se délivrent de leurs atours pour entamer sauts et galipettes, jupe renversée, et s’amuser de toutes les contorsions que provoque la fête, saluant à la ronde avec une sorte d’emphase implicite que le spectateur devine à plaisir. La politesse et la courtoisie des relations sociales sont assurées avec leur lot d’hypocrisies, de moqueries et de satire des relations feintes des hommes entre eux. Personne n’est dupe mais tout le monde est heureux de vivre dans le laisser-aller et le naturel, un art savant appris au fil des aventures et des épreuves, appréciant les moments exceptionnels des instances heureuses ou malheureuses de l’existence.

Saluons les véritables artistes, Florent Hamon, Guillaume Durieux, Zina Gonin, Violeta, Manuel Perraudin et Valérie Perraudin et ceux déjà cités, Lily, Igor et Revaz.

Une vision onirique et conviviale des moments d’exception qu’offre la vie partagée.

Véronique Hotte

CENTQUATRE Paris –, en partenariat avec le Théâtre de la Ville, tout public à partir de 12 ans, du 9 au 20 février. Tél : 01 53 35 50 00