La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, adaptation et mise en scène de Magali Montoya

Crédit photo : Jean-Louis Fernandez

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La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, adaptation et mise en scène de Magali Montoya

Le mythe de La Princesse de Clèves tient à la perfection d’un premier roman, symbole de l’art de l’analyse intérieure et source d’inspiration d’une tradition littéraire. À la fois roman historique et fiction, La Princesse de Clèves raconte l’amour d’une imaginaire princesse de Clèves pour le duc de Nemours. Inexactitudes et approximations, la nouvelle s’inspire des petits et grands événements de la cour. L’aventure de la princesse de Clèves est une intrigue parmi d’autres, à peine plus importante que celle du vidame de Chartres, du maréchal de Saint-André, de Mme de Martigues. L’œuvre suit les vicissitudes sentimentales des personnages en même temps que les événements politiques. On médite sur le destin des grands, comme la tristesse d’Élisabeth qui doit épouser le vieux roi d’Espagne, Don Carlos, et les prédictions fatales faites à Henri II appelé à mourir en duel. Pour mémoire encore, les fiançailles de Madame, le tournoi et la mort du roi survenue en 1559. Au delà de ce tableau historique des mariages et prophéties, La Princesse de Clèves crée un monde de toute beauté : « la magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second ».

La cour dispense luxe, fêtes et divertissements, intrigues et amour, curiosité – lettres volées, confidences et aveux trahis – et misère des courtisans. Quand le roi meurt, certains perdent leurs privilèges au profit de rivaux. Chacun s’épie, ne laisse paraître ses sentiments et domine ses émotions, tel l’idéal de grandeur aristocratique.

La princesse de Clèves accomplit un long recul face à l’amour, une fuite qui s’achève dans un douloureux sacrifice. Avant le renoncement au monde – la paix à préserver -, la princesse résiste contre l’attrait fascinant de la cour tentatrice que représente M. de Nemours, accomplissant un cheminement personnel, de la vie mondaine à la solitude. Roman d’édification, réaliste et pathétique, La Princesse de Clèves critique l’amour en le regrettant et rêve en dépit de tout à ce bonheur interdit. L’héroïne avoue à son amant : « Puisque vous voulez que je parle et que je m’y résous… je le ferai avec une sincérité que vous trouverez malaisément dans les personnes de mon sexe…je vous avoue que vous m’avez inspiré des sentiments qui m’étaient inconnus devant que de vous avoir vu, et dont j’avais même si peu d’idée, qu’ils me donnèrent d’abord une surprise qui augmentait encore le trouble qui les suit toujours … »

La nouvelle mérite d’être donnée à entendre in extenso, ce qu’ose Magali Montoya.

À travers la peinture de la passion – coup de foudre – et la description de la jalousie de M. de Clèves, la nouvelle évoque le deuil vertueux de la princesse devenue veuve, un deuil qui mène au renoncement, au milieu de courtisans jouisseurs.

Rien n’est plus théâtral que l‘analyse d’une âme à travers les liens du cœur. La vertu austère est exacerbée par le désir romanesque, comme si le bonheur et la vie malgré tout restaient victorieux contre la retraite glorifiée et les passions dénoncées.

Pour une écoute nuancée des confessions et des aveux intimes, la langue somptueuse de Mme de Lafayette est distribuée à des interprètes féminines, Arlette Bonnard, Éléonore Briganti, Élodie Chanut, Bénédicte Le Lamer et Magali Montoya.

Sur un plateau nu, un cercle de craie dessiné à vue, et quelques accessoires – table, penderie, lit mobile, des volées de lettres et nombre de chaises éparses pour des courtisans absents ; des panneaux de bois en guise d’’ouverture du château de Coulommiers sur la forêt ; de magnifiques vêtements, une élégance atemporelle, ornent le lointain, des robes dont on ne se revêt pas, juste montrées et devinées.

Rythme soutenu dans la progression dramatique et sérénité de l’interprétation, la représentation repose sur cet art paisible de l’à peine dit, de la précaution et de la délicatesse, tentant de saisir l’écartèlement entre atouts et inconvénients d’une passion existentielle ultime quand il est si difficile d’aimer, de vivre et d’être libre.

Véronique Hotte

MC2 Grenoble, du 5 au 16 janvier, en deux soirées ou en intégrale. Tél : 04 76 00 79 00

TNS Strasbourg, du 21 janvier au 3 février, 12 représentations dont 4 intégrales. Tél : 03 88 24 88 24

Théâtre National de Bretagne Rennes, les 25 et 26 février, le 27 intégrale. Tél : 02 99 31 12 31

Maison de la Culture de Bourges, les 3 et 4 mars, le 5 intégrale. Tél : 02 48 67 74 70

Comédie de Béthune CDN, les 10 et 11 mars. Tél : 03 21 63 29 19

L’Échangeur de Bagnolet, du 19 au 26 mars, 7 représentations dont 3 intégrales. Tél : 01 43 62 71 20