Vent fort – Un poème scénique – de Jon Fosse, traduit du néo-norvégien par Marianne Ségol-Samoy, collection Scène ouverte, éditions de L’Arche, 2024.

Vent fort – Un poème scénique – de Jon Fosse, traduit du néo-norvégien par Marianne Ségol-Samoy, collection Scène ouverte, éditions de L’Arche, 2024.

Jon Fosse est né à Haugesund, en Norvège, en 1959. Il est auteur de pièces de théâtre, de romans, d’essais, de poèmes et de livres pour enfants. Prix Nobel de littérature 2023, il est aujourd’hui avec Ibsen, le dramaturge norvégien le plus joué. Ses oeuvres sont traduites dans plus de quarante langes. Son théâtre est publié à L’Arche. 

Ecrit en 2021, Vent fort marque le retour de Jon Fosse au théâtre, après dix années consacrées à la Septologie, son roman monstre. «  Je n’avais jamais écrit comme ça. Je dirais que c’est un rêve que j’ai mis sur le papier, avec une dimension cauchemardesque.» ( Jon Fosse, Ecrire, c’est écouter : entretien avec Gabriel Dufay, 2023, L’Arche)

Trois voix traversent ce poème scénique, se parlent sans toujours s’entendre. Comme surgi du passé, l’Homme rentre chez lui après une longue absence. Il se retrouve dans un nouvel appartement, où la femme a déménagé. Un jeune homme les interrompt en rentrant chez lui. 

L’Homme – ça n’est pas en train d’arriver…/ pas maintenant/ jamais / ça n’est jamais arrivé…/ mais ça arrive / oui maintenant / je le vois bien / celle que j’aime…( p.30)

Autour de cet étrange triangle amoureux, temps et espace se désagrègent. Dans leur appartement au quatorzième étage, le vent souffle et la fenêtre tombe lentement dans le vide. C’est un poème sur l’amour et la solitude, mais aussi sur le temps et le mystère de l’existence, Vent fort fait se lever des présences au-delà du réel. (Quatrième de couverture) 

Résonnent ainsi les leitmotiv chers à l’écriture de Jon Fosse, l’absence de réel échange, la difficulté d’aimer, l’angoisse et le sentiment existentiel d’étrangeté. Les trois figures de l’Homme, de la Femme et du Jeune Homme aimeraient dans l’appartement partager une même vision du monde. Une affaire de fenêtres aussi – celle de l’âme des deux autres que l’Homme découvre dans leur regard, tandis que la fenêtre de l’appartement ouvre quant à elle, sur le vertige extérieur du monde. Non-dit, implicite, suggestion, secret, le sens advient à travers l’imagination du lecteur.

L’Homme : Là/de l’autre côté / oui maintenant l’air n’est plus aussi épais / maintenant il est totalement transparent / maintenant je peux voir à travers / oui / oui vers l’immeuble de l’autre côté de la rue / et là…/ oui là ils ont construit / oui comme un long couloir sur l’extérieur/…/ je ne l’avais jamais vu avant…/ ils ont dû le construire/ pendant que j’étais parti / que j’étais en voyage…/ et maintenant je vois/  oui/  oui c’est plein de jeunes gens là dans le couloir…/ c’est étonnant/ oui tous ces jeunes gens / des garçons des filles / des hommes des femmes…/ et ils vont et viennent/ oui dans ce long couloir / qui est suspendu là…(P.50) 

« Jon Fosse nous mène par la langue dans un autre rapport à l’être humain, où l’action la plus puissante se fait dans l’immobilité et la contemplation active. La langue de Fosse permet de faire vivre cette pensée qui se construit non seulement pendant qu’elle se dit, mais aussi quand elle n’arrive pas à se dire. C’est dans l’agencement de ces paroles que l’auteur invente ces pensées existentielles. Et les pensées les plus profondes se disent avec un vocabulaire très simple. Alors que la langue tâtonne et cherche son chemin, la pensée surgit. » (Marianne Ségol-Samoy)

La création de Vent fort aura lieu du 4 au 7 mars 2025 à la Maison des Arts de Créteil, dans une mise en scène de Gabriel Dufay, avec Thomas Landbo, Yuriy Zavalnyouk et Léonore Zurflüh. Assistante à la mise en scène Corinne Barbara, dramaturgie Marianne Ségol-Samoy, scénographie Margaux Nessi, chorégraphie Kaori Ito, lumières Sébastien Lemarchand, vidéo Vladimir Vatsev, costumes Aude Desigaux.

Un Vent fort qui se lève sur le désir ardent du spectateur d’en savoir et sentir toujours un peu plus.

Véronique Hotte

Vent fort – Un poème scénique – de Jon Fosse, traduit du néo-norvégien par Marianne Ségol -Samoy, collection Scène ouverte, éditions de L’Arche, 2024.