Noir et humide de Jon Fosse, traduction Terje Sinding, éditions de l’Arche, par l’Amin Théâtre, mise en scène Christophe Laluque, au Théâtre Dunois.

Crédit photo : Ernesto Timor.

Noir et humide de Jon Fosse traduction Terje Sinding, éditions de l’Arche, par lAmin Théâtre, mise en scène Christophe Laluque, lumières, scénographie Mehdi Izza Trafikandars, musique, son Nicolas Guadago, costumes Lou Bonnaudet, avec Cléa Laize, Chantal Lavallée, Robin Francier.

Noir et Humide, soit toutes les caractéristiques d’une cave, lieu secret, difficilement accessible, lieu de l’interdit autant que des peurs et de l’imaginaire enfantin. Jon Fosse a écrit avec minutie comme une chronique documentée, sensation par sensation, minute par minute, le cheminement de Lene, une petite fille de sept ou huit ans pour atteindre ce lieu noir et humide.

Comme le dit Christophe Laluque : « Jon Fosse possède un rythme, un style qui va à l’encontre de tout ce que l’on propose aux jeunes en ce moment … » Et le metteur en scène fait marcher Lene avec précaution sur un plateau noir où sont matérialisés au sol les plans d’une maison, quelques chambranles marquant  les passages entre les pièces, rappelant  à la fois les dessins d’une marelle sur une cour de récréation et les exercices esthétisants autant qu’angoissants du Dogville de Lars von Trier. Le dispositif met d’emblée en jeu la capacité imaginative et raisonnante de l’enfant.

Lene est incarnée par Cléa Laize. Elle avance précautionneusement en proférant calmement   le texte qui décrit chaque sensation ressentie, chaque stratégie qu’elle échafaude face aux dangers, pour surmonter l’obstacle. Belle incarnation, car Cléa Laize ne singe pas l’enfant, elle intériorise son sérieux et ses questionnements avec retenue et justesse. 

L’objet qu’elle va voler sur une étagère dans la chambre de son frère n’apparait pas dans ses mains, ni le lit où elle se cache mais le monde physique se réalise par le pouvoir évocateur des mots, comme la moustache noire et humide de l’homme ou de la bête qu’elle croit voir dans le noir.

Robin Francier, qui joue Asle, le frère, est silencieux, c’est  Lene qui  décrit ses déplacements dans la maison, son désarroi quand il s’aperçoit que sa belle lampe torche jaune a disparu, ses pleurs que craint sa soeur par dessus tout. Chantal Lavallée est la mère douce et attentionnée qui rabiboche ses enfants et soutient Lene après l’épreuve.

La force du spectacle est de ne pas tomber dans les poncifs enfantins et de donner toute sa puissance à ce rite initiatique de l’enfance pour transgresser l’interdit. L’ambiance flirte avec  celle d’un thriller et les enfants présents dans la salle sont subjugués par la parole et la gestuelle de Lene sur ce plateau presque nu.

Quelques signes sont signifiants: flocons de neige et porte blanche de la fameuse cave, un piano qui égraine ses notes, des lumières distillées pour faire apparaître les ombres des personnages, le noir pour les jeux avec la torche … Une économie d’effets qui fait écho à la parole de Lene.

Une création exigeante, à l’esthétique minimaliste mais très habitée qui rend magistralement le texte de Jon Fosse. Une réussite plébiscitée par une jeune salle très attentive et qui mériterait une large diffusion et sans distinction d’âges !

Louis Juzot

Mercredi 24 avril à 15h, samedi 27 avril à 17h, représentations scolaires en journée, jusqu’au 30 avril, au Théâtre Dunois, 7 rue Louise Weiss, 75013 Paris wwwtheatredunois.org