« Partie », texte, mise en scène et scénographie, Tamara Al Saadi.

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage.

« Partie », texte, mise en scène et scénographie, Tamara Al Saadi, création sonore Eléonore Mallo, création lumière, conception technique et scénographie Jennifer Montesantos, costumes Pétronille Salomé, regard chorégraphique Sonia AL Khadir avec Justine Bachelet, Eléonore Mallo, Tamara AL Saadi, Jennifer Montesantos.

« Quelle connerie la guerre », disait Prévert, même si cela ne s’adresse pas à Barbara, les mots de la chanson pourraient l’être à Louis, jeune parisien incorporé dans un régiment d’infanterie qui va monter au front du côté de la Somme pendant la Grande Guerre. L’esprit de Prévert habite le spectacle de Tamara Al Saadi :  la tendresse envers les humbles, le goût  charnel de la liberté et de la vie, la haine des puissants et des nationalismes qui broient sans pitié des générations de jeunes  gens…

Louis est vendeur de mouron – plante qu’on donnait aux oiseaux pour les nourrir – et aime écouter chanter ces derniers; sa mère est une marchande de légumes et couve ce fils rêveur et doux. Louis va être emporté dans la guerre, sans vraiment comprendre ce qui lui arrive. 

Son parcours va être  minutieusement circonstancié, de son incorporation jusqu’à son état «  d’obusité », on dirait aujourd’hui syndrome ou stress post-traumatique, après les chocs à répétition subis dans les tranchées et les attaques meurtrières. Les lettres que Louis envoie à sa mère entretiennent le lien avec la vie d’avant, autant qu’elles décrivent les conditions de survie du jeune poilu et de ses camarades, comme son copain Edouard, grande armoire taciturne qui ne sera pas épargnée par les combats.

Justine  Bachelet  incarne Louis, jeune femme jouant le jeune homme,  elle fait  d’autant plus  ressortir sa fragilité et sa délicatesse dans un monde brutal, violent de bêtises et d’horreurs. Elle est seule comédienne, mais pas seule en scène.

L’originalité du dispositif scénique repose sur tout un univers visuel et sonore, incluant le public, qui littéralement porte la jeu de la comédienne en recréant directement et  continuellement l’environnement des situations et des sensations vécues par Louis.

La bruiteuse, Eléonore Mallo, évolue à vue côté jardin, jouant de l’amplification sonore  d’objets manipulés comme d’ambiances enregistrées. De l’épluchage guilleret des légumes  au début de l’histoire, jusqu’aux roulements lugubres des bombardements.

Jennifer Montesantos, éclairagiste et régisseuse, soutient la comédienne, déroulant un tableau qui titre les chapitres de l’histoire de Louis, apportant les matières, comme la terre  ou le sang sur lequel s’appuie le jeu, maniant les projecteurs, incarnant au besoin un Edouard prostré par un choc tellurique.

Tamara Al Saadi  gère en lien avec la salle un ensemble de fiches de lecture dont chaque spectateur est muni. Elle dirige à l’aide d’un tableau les modulations des lectures à voix haute effectuées par le chœur des spectateurs.

Ce dispositif qui joue de multiples registres et techniques est à la fois simple, il utilise surtout des éléments manuels et complexe, car  les interventions autour du cheminement de Louis sont réglées au cordeau.

Le travail est finement ourlé, une ambiance prégnante, et la triste histoire du soldat Louis se déroule telle une tragédie, pleine de bruits et d’innocence martyrisée, à laquelle on prend part sans réserve.

Louis Juzot  

Jusqu’au 6 Avril, vendredi 19h, samedi 18h au Théâtre Silvia Monfort, 106 rue Brancion, 75015 Paris. Tel : 01 56 08 33 88  theatresilviamonfort.eu

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