Sans faire de bruit, création Louve Reiniche-Larroche et Tal Reuveny, à L’Athénée Théâtre- Louis Jouvet.

Crédit photo : Frédéric Mauviel

Sans faire de bruit, création Louve Reiniche-Larroche et Tal Reuveny, création sonore Jonathan Lefèvre-Reich, scénographie Goni Shifron, création d’objet Doriane Ayxandri, création Lumière Louise Rustan.

Sans faire de bruit best un hybride entre le jeu théâtral, le récit intime, la  manipulation d’objets, le documentaire et la création sonore. Ce cocktail a été concocté par la comédienne Louve Reiniche-Larroche qui raconte la propre histoire de sa famille et de sa mère confrontée à une surdité subite, et par la metteuse en scène Tal Reuveny et par le musicien-ingénieur du son Jonathan Lefèvre-Reich.

Son but est d’immerger le spectateur dans le traumatisme que représente la perte  de repère principal de notre vivre au monde, l’ouïe, sens premier de la communication et de la relation avec l’autre. 

La trame du spectacle est scindée en deux parties :

La première plutôt ludique est marquée par un jeu d’imitation taquin, façon humoriste cabotin, de la comédienne envers les membres de sa famille et de leurs réactions devant la pathologie de Brigitte. L’humour permet d’exorciser l’angoisse et l’onde de choc de la maladie sur les certitudes et le confort des uns et des autres. 

Les postures et comportements sont exposés, amplifiés par une synchronisation labiale en live, avec un travail précis de maitrise technique. La matière est  constituée des interviews que la comédienne a enregistrées auprès de ses grands- parents, de son frère, de sa belle-sœur, de sa nièce. 

La seconde partie, plus sentie, introduite par un noir silence évocateur, fait approcher le spectateur de l’expérience de la perte de l’audition. Des bruits bizarres et mécaniques, des acouphènes, viennent peupler la salle dans la pénombre. Le jeu de la comédienne change subrepticement tout en reprenant ses personnages. Elle les transforme en les objectivant, se couvrant le visage de feuilles de papier, d’un abat- jour, se masquant derrière ses cheveux, tirant abondamment sur la cigarette électronique de son frère. Et s’entourant d’une brume ouatée, c’est un monde où la réalité est décalée, flottante, imprécise et fuyante.

La  dernière scène est intimiste avec l’interview de Brigitte, opérée avec succès, qui revient sur ces années difficiles et de repliement sur soi, préservée en partie par les liens familiaux aussi imparfaits soient-ils. Une mère qui a naturellement souffert plus de la peine qu’elle engendrait autour d’elle que de sa propre épreuve. 

Comble de la cocasserie, elle reprend le mot à son compte car l’humour tient à distance, on apprend qu’elle était psychanalyste et sans écoute, plus de transfert possible et plus d’échange.

Le décor qui était celui d’un salon bourgeois au début, qui s’était couvert de lourdes couvertures à la Joseph Beuys, couvrant les bruits et les formes, pendant la surdité ,  devient le bureau d’une thérapeute. 

La performance est travaillée et sincère, c’est aussi un portrait ironique d’une famille bourgeoise touchée par la maladie, même si les soucis matériels lui sont étrangers. 

Il faut reconnaître un travail exigeant, où la technique l’emporte sur la sensibilité du jeu théâtral, défaut de jeunesse sans doute. Mais une proposition qui recèle un vrai potentiel et rend légitime le choix de l’Athénée Théâtre Louis Jouvet d’accueillir de jeunes créations initialement programmées au théâtre des Déchargeurs.

Louis Juzot

Du 23 novembre au 2 décembre, à 20h30, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 2-4  square de l’Opéra Louis-Jouvet, 75009 Paris. Tél : 01 53 05 19 19, http://www.athenee-theatre.com