M comme Médée, adaptation, dramaturgie et mise en scène Astrid Bayiha au Théâtre de la Tempête.

Crédit photo : Benny

M comme Médée, adaptation, dramaturgie et mise en scène Astrid Bayiha avec Fernanda Barth, Jann Beaudry, Valentin de Carbonnières, en alternance avec Anthony Audoux, Swala Emati,  Daniély Francisque, Nelson-Rafaell Madel, Josué Ndofusu, scénographie Camille Vallat, lumières Jean Pierre Népost, costumes Emmanuelle Thomas.

Des  lumières douces et des robes chatoyantes aux couleurs vives, des mélopées tout aussi douces et envoutantes, Astrid Bayiha prend à contre-pied le mythe tragique de Médée, la cruelle, l’infanticide, la vengeresse, le parangon de la  sorcière, l’opposée de la femme vertueuse et soumise.

La metteuse en scène a choisi de modeler une Médée dans un imaginaire populaire de légende et d’oralité,  mais en utilisant un matériau hautement littéraire, d’espaces et de temps différents, de l’Antiquité avec Euripide et Sénèque, à des autrices contemporaines comme Dea Loher et Sara Stridsberg, en passant par Anouilh et Heiner Müller, et Jean-René Lemoine.

Le contraste entre la joliesse formelle et la violence de certains textes surprend mais n’est pas sans effet. C’est Médée transposé dans un conte de Perrault ou Médée  au pays des griots et des histoires que l’on se transmet de génération en génération dans toutes les cultures villageoises. Mais Médée reste Médée : indomptable, absolue,  celle qui préfère détruire ce qu’elle a de plus cher plutôt que d’accepter l’humiliation et l’abandon.

Astrid Bayiha insiste beaucoup sur le couple que forment Médée et Jason, elle les montre indissociables avec un Jason manipulable, hâbleur que Médée protège malgré tout.Trois comédiennes, Fernanda Barth, Jann Beaudry, Danièly Francisque affrontent deux comédiens Josué Ndofusu et Valentin de Carbonnières dans les différents extraits choisis mettant face à face les deux amants. 

Les acteurs s’acquittent de leur partition avec conviction et un tempérament où s’expriment autant la passion que la petitesse et le ressentiment. 

Mais deux artistes donnent vraiment la griffe du spectacle : Nelson-Rafaell Madel est un Choryphée malicieux et plein de verve tandis que Swala Emati, erratique, charme par les balades envoutantes, qu’elle a composées pour la circonstance. Ils sont les éléments magiques de la scène, les vrais sorciers.

M comme Médée a le défaut de ses qualités, car en jouant sur la romance Médée /Jason, la douceur des chants et l’humour infatigable du Choryphée, on en oublie la caractère transgressif et violent de l’héroïne. Il manque une tension qui tient peut être aussi à la construction en patchwork du spectacle, tension qui est pourtant l’apanage de l’œuvre  qui a le plus inspiré Astrid Bayiha, la « Médée, poème enragé » de Jean-René Lemoine, dont l’intensité a marqué tous ceux qui l’ont rencontré.

Le parti pris d’Astrid Bayiha se livre aussi avec l’utilisation du créole antillais ou du portugais brésilien, une façon d’aborder après l’amour un deuxième visage de cette Médée, celui de l’errante perpétuelle et plus universellement le thème des flux migratoires, plus actuel que jamais.  

Médée n’est pas pleine de fureur, elle tend ainsi vers plus d’humanité, elle cherche un havre de paix pour cesser de se battre avant tout peut être contre elle-même. 

M comme Médée n’est pas un grand opéra tragique et sanglant, mais  l’errance d’une femme à travers le temps et l’espace, une façon de renouveler un mythe en lui donnant consistance humaine.

Louis Juzot

Du 3 au 25  novembre, du mardi au samedi 20h, dimanche 16h, Théâtre de la Tempête, Route du Champ-de-Manœuvre,75012,  Paris. Tél 01 43 28 36 36, http://www.la-tempete.fr