Les Méritants, texte et mise en scène de Julien Guyomard, au Théâtre de la Tempête.

Les Méritants, texte et mise en scène Julien Guyomard,  collaboration dramaturgique Damien Houssier, Elodie Vom Hofe.

« La nuit des morts vivants » de Georges A, Romero est plus qu’un film d’horreur génial, c’est aussi une satire de l’Amérique des années soixante, de la ségrégation raciale, une charge contre la guerre du Viet Nam. 

Julien Guyomard a repris l’idée d’utiliser les codes du film d’horreur mais aussi des films d’anticipation pour écrire une fable sociale sur la gouvernance des élites dans une France où l’ascenseur social est enrayé.

En gros, c’est l’histoire d’un groupe humain qui entreprend de reconstruire une société après un cataclysme destructeur. Ce groupe s’érige en comité de direction, manipulant le verbe, discours et slogan, pour affirmer sa domination sur le peuple des morts vivants, des rescapés eux aussi, mais ravalés au rang de bêtes de somme ignares et exploitées : les zombies.

L’originalité de l’affaire est d’utiliser cette trame rebattue pour faire ressortir les discours en usage aujourd’hui les plus hypocrites ou bien-pensants, les plus porteurs d’injustice en politique comme au sein des entreprises. Le décalage entre la fable imaginée et le langage de domination bien réel  est le fondement de cette comédie  réjouissante, sorte de conte burlesque, un tantinet démago quand même.

Un zombie Clairvius parvient à s’intégrer au comité de direction et va devenir évidemment plus royaliste que le roi et plus inique que les autres dominants, envers ses frères d’avant – les zombies -, le transfuge de classe par excellence. 

Un membre du comité va connaître le chemin inverse, le déclassé, angoisse des classes moyennes. 

Parodie de stage de coaching ou de reclassement professionnel, de débats télévisés, psychodrame et éjection en conseil d’administration, hantise de la révolte des damnés, les scènes bien imprégnées du monde d’aujourd’hui se succèdent et font mouche.

Le dispositif  scénographique est inspiré de la même forme hybride avec quelques affiches drolatiques qui détournent les images de campagnes politiques ou d’information et de prévention qui sont manipulées à vue par les acteurs, à l’occasion, grimés en zombies .

La pièce tient beaucoup  par le jeu déjanté des comédiens, Damien Houssier en Clairvius, le transfuge de classe, secondé par  son égérie manipulatrice Elodie Vom Hofe. Ils sont impayables dans leur mimétique sociale dominatrice. Le déchu qu’incarne Renaud Triffault est d’un pathétique senti lui aussi. Le reste de la troupe est au diapason Xavier Berlioz, fort en gueule, Julien Cigana, Sol Espèche et Magaly Godenaire.

Il y a de l’esprit voltairien de Candide dans cette fable sociale, même si elle utilise à satiété les oppositions  systématiques – dominants versus dominés -, ressorts traditionnels de la farce, mais aussi ressorts du populisme, et rejoint aussi par là, sans le vouloir, l’un des maux de notre temps. 

Tout ça est mené dans un timing réjouissant, orchestré dans un travail d’ensemble rigoureux et délié.

Une réussite, du théâtre sans apprêts ni afféteries, bien monté et bien joué, Que demande le peuple !

Louis Juzot

Jusqu’au 22 octobre, du mardi au samedi 20h30, le dimanche 16h30, Théâtre de la Tempête Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris http://www.la-tempete.fr Tel : O1 43 28 36 36. Le 30 novembre, Théâtre Roger Barat, Herblay. Le 7 décembre, Espace Marcel Carné, St Michel-sur-Orge. Le 15 mars 2024, Montigny les Cormeilles. Le 4 avril 2024, Le Nouveau Relax, Chaumont.