White Dog, d’après le roman de Romain Gary, mise en scène Camille Trouvé, compagnie Les Anges au Plafond. Au Théâtre 14, à Paris.

Crédit photo : Vincent Muteau.

White Dog, d’après le roman de Romain Gary, mise en scène Camille Trouvé, compagnie Les Anges au Plafond. Au Théâtre 14 à Paris.

Camille Trouvé et Brice Berthoud ont déjà exploré l’univers de Romain Gary à travers  « R.A.G.E » un spectacle ambitieux sur la biographie et les doubles de l’écrivain, Ils s’attaquent ici à un texte emblématique de l’auteur paru en 1970 alors qu’il vivait avec Jean Seberg à Beverly Hills à Los Angeles.

Une auto-fiction partant d’un fait réel, l’adoption par le couple d’un chien abandonné qu’ils appelleront Batka, Papa en russe. Loin de son gentil nom, Batka se révèle être un chien blanc, dressé pour pour chasser les hommes noirs. L’histoire se développe autour de cette dualité sous la forme d’une fable moderne.

Si le sujet  est le thème universel de  la bestialité  qui habite l’homme, sa cruauté intrinsèque, porteuse de légendes comme celle du loup-garou, loup-Gary aurait dit Lacan,  il semble rétif à l’univers marionnettique. 

Le résultat est  pourtant étonnant grâce à l’utilisation de plusieurs techniques :

D’abord la peinture et le papier que l’on déchire, que l’on triture mais qui permet de recréer une atmosphère chargée de violence, celle des émeutes de Watts, quartier de LA, en 1965, puis celles qui suivirent encore l’assassinat de Martin Luther King. La couleur du sang s’imprime sur le papier à la fois slogan des Blacks Panthers, dont Jean fut très proche, et symbole de blessure et de mort.

Ensuite la technique des marionnettes, limitées à quatre personnages : Romain Gary, Jean Seberg, Keys qui doit rééduquer le chien, et bien-sûr Batka lui-même. 

Brice Berthoud manipule trois des marionnettes à lui seul, ses métamorphoses participant des interrogations sur la nature de l‘homme, Tadié Tuéné manipulant Keys. Des marionnettes qui rappellent étrangement des êtres de chair sous leur apparence de carton et de chiffon.

Enfin un plateau tournant qui permet de bien montrer l’enfermement du couple comme de toute la société. La villa de Beverly est simulée par quelques hampes de bois autour du plateau. Seberg et Gary devisent face au public et s’y confinent A d’autres moments, des petites silhouettes de papier tournent là, rapidement, pour suggérer les émeutes, les incendies, la violence exogènes. 

Encore, sur la scène, les ombres chinoises, les silhouettes de carton, les écrans détournés et surtout la pulsation de la batterie live de Arnaud Biscay qui, côté cour, traduit rythmiquement toutes les situations que vivent les protagonistes.

Comme un concentré du temps et de l’espace, grâce à un montage efficace, la fable de cette autofiction se déroule à cent à l’heure, mais en gardant sa puissance politique et sociale sur la question raciale, la lutte des classes, la manipulation des masses et en fin de compte, la nature de l’homme. 

Pas de quoi être optimiste mais Romain Gary ne l’était pas plus que Jean Seberg, et leurs tourments sont  bien présents dans leurs corps de chiffon.

Un spectacle marquant qui concentre l’art polymorphe et cinétique des Anges au Plafond et dont les thèmes résonnent encore fortement.

Louis Juzot

Jusqu’au 25 mars , mardi, mercredi ,vendredi 20h, jeudi 19H, samedi 16h  au Théâtre 14, 20 avenue marc Sangnier , 75014 Paris Tél 01 45 4549 77 billeterie@theatre14.fr. Les 7 et 8 juin au Théâtre de Bourg en Bresse (01)