Rosa Luxemburg Kabarett, texte et mise en scène de Viviane Théophilidès.

Crédit photo : Pascal Gély.

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Rosa Luxemburg Kabarett, texte et mise en scène de Viviane Théophilidès.

 L’auteure, metteure en scène et comédienne Viviane Théophilidès pensait depuis longtemps à une représentation scénique de la figure féminine historique et de la militante politique d’avant-garde, Rosa Luxemburg, assassinée par les spartakistes.

De l’icône mythique révolutionnaire, Viviane Théophilidès s’est employée à dessiner un portrait intuitif. Une femme mise à mort par les réactionnaires du temps – infâmes Corps Francs, futurs Nazis de l’Allemagne hitlérienne, qui eurent raison d’elle.

Ainsi s’exprime Jack Ralite (1928-2017), ancien maire d’Aubervilliers, ancien ministre, fondateur des Etats Généraux de la Culture, que cite la metteure en scène :

« Rosa Luxemburg, née à Zamosc le 5 mars 1871, en Pologne, alors annexée par l’empire tsariste, dut quitter Varsovie pour Zurich où, en même temps que des études brillantes, elle devint membre du Groupe des pairs où se retrouvaient des émigrés révolutionnaires polonais. Parmi eux Léo Joguiches, dont la rencontre marqua toute la vie privée et publique de Rosa (…). L’un et l’autre étaient juifs, et ils fondèrent « la cause ouvrière », que Rosa rédigeait avant de partir pour l’Allemagne en 1898. »

Rosa s’oppose là-bas au militarisme allemand, se liant avec Karl Liebknecht, exécuté en même temps qu’elle par les mentors de l’ordre à Berlin. En août 1914, après le vote des crédits de guerre par les députés sociaux-démocrates, Rosa Luxemburg connaît un moment de désespoir dans sa lutte sans fin contre les « Obscurants ».

Elle aura fait, entre Pologne et Allemagne, plusieurs séjours en prison, des résidences forcées où elle écrira ses ouvrages et ses fameux discours de conviction.

Libertaire, opposée aux courants nationalistes, la politique était curieuse du monde – d’art, d’histoire, d’économie, de sciences, de géologie, d’ornithologie, de plantes.

Sur le plateau nu de théâtre, quelques éléments et accessoires – des couvertures, des livres et objets rudimentaires-, les interprètes habités par l’Histoire font leur Kabarett à l’allemande, depuis des scènes de dialogues à des chansons et sketches, entrecoupés encore de variations contemporaines au fil d’anachronismes délibérés.

Comment prendre la mesure de l’influence contemporaine de l’icône politique ? L’auteure émue évoque sa ville originelle de Poissy, le souvenir de la haine de son grand-père pour Pétain, un traître comparable de près ou de loin à Hitler et à Staline.

Le spectacle passe d’une époque à l’autre – du XX è au XXI é siècle – tentant d’élucider un présent dont résulte un sentiment d’incompréhension et de déception.

Les interprètes font résonner une partition originale, poétique et musicale, sous les arrangements précis de Géraldine Agostini aux claviers et au chant, avec la vivante et gaie Anna Kupfer qui chante en allemand, en yiddish, en tzigane ou en français.

D’un poème de Mörike et d’une mélodie de Hugo Wolf, on se laisse emporter par des chansons de Viviane Théophilidès – musiques de Géraldine Agostini et de Jacques Labarrière -, par une complainte yiddish, par les paroles de La fête continue de Jacques Prévert – musique de Joseph Kosma -, par le poème L’Hirondelle de Louise Michel aussi – musique Anna Kupfer -, et enfin par un chant tzigane bien enlevé.

En compagnie de la musicienne et de la chanteuse, Bernard Vergne est à l’écoute délicate de ses partenaires, au côté de la conceptrice Viviane Théophilidès, tout aussi attentive, autour de Sophie de la Rochefoucauld qui incarne Rosa Luxemburg.

Entre mélancolie et sourire, l’émotion d’une figure illuminée par ses desseins politiques forts – mouvements ouvriers et révolutionnaires – qui se rapproche de l’aura des peintures religieuses, vénérées par les fidèles – pour la prière et la contemplation.

Véronique Hotte

Les Déchargeurs 3, rue des Déchargeurs 75001 – Paris, du 7 janvier au 1er février 2020, du mardi au samedi à 19h. Tél : 01 42 36 00 50.