Vilain !, conception, écriture et mise en scène de Alexis Armengol – spectacle tout public à partir de 9 ans.

Crédit photo : Florian Jarrigeon.

Visuel 2 © Florian-Jarrigeon

Vilain !, conception, écriture et mise en scène de Alexis Armengol – spectacle tout public à partir de 9 ans.

Zoé est orpheline, abandonnée de tous, et le conte d’Andersen si prisé des enfants – Le Vilain Petit Canard – semble lui plaire. Aussi se jette-t-elle dans ce récit, les yeux fermés, et la voilà qui s’associe aussitôt à la destinée houleuse du caneton si controversé, Zoé se sent aspirée par une bourrasque dont elle ne se départit pas, saisie malgré elle.

La lecture de l’ouvrage de Boris Cyrulnik consacré à la résilience donne le ton et le la.

Habituée aux paysages improbables, la fille marche, tourne, erre, tergiverse, isolée et esseulée, citoyenne volontaire en pleine terre de solitude et surdité revendiquée.

Nelly Pulicani est une performeuse hors pair, déclamant, vociférant, expliquant, donnant ses raisons, argumentant auprès du public qu’elle regarde droit dans les yeux, le convainquant, dansant, courant en rond sur le plateau, sans se lasser.

Elle impulse une vigueur et une énergie rares, toujours d’attaque, toujours partante, enfant turbulente et attachante qu’on peine à cadrer et faire accepter codes et règles.

Au cours de cette épopée personnelle, elle fait une halte dans une cabane des bois, ou bien une tente de ZAD, squat à vocation politique situé à l’air libre d’un sous-bois, l’antre d’un musicien qui sait raison garder et propose un refuge à la belle égarée.

Cet ami va jusqu’à préparer des goûters d’anniversaire pour celle qu’on n’a jamais fêtée, ignorante des us et coutumes des petits bourgeois ou bobos du temps.

Dans le rôle de l’artiste, conscient de sa mission pédagogique et citoyenne, aux compositions musicales et aux chants, Romain Tiriakian est excellent, musicien talentueux et comédien accompli – belle sérénité tranquille sur le plateau de scène.

A partir de cette rencontre de hasard heureux, Zoé est invitée à grandir et à ne pas s’appesantir outre-mesure dans l’abri de ce nouvel ami véritable. Apte à renaître, elle le sait, elle le sent, elle se bat encore et se retrouvera elle-même – voix et voie.

La métamorphose de l’enfant à renaître s’accomplit à travers la rencontre des êtres et des arts. Sur la scène encore, les dessins se réalisent à vue, sous les doigts de fée de Shih Han Shaw, des bribes d’un film d’animation coréalisé avec Félix Blondel.

La soit disant laideur du canard n’était que la beauté non encore éclose du cygne. Les moqueries se trompaient de cible, non pas l’exclusion mais la reconnaissance.

Rebondir et se réinventer, l’enjeu artistique et philosophique est tendu. Tapissant le plateau, des lais de papier que l’interprète froisse, déchire et réutilise – pour un usage non unique, transformant sans finir l’accessoire en possibilités multiples.

Cassures, heurts sont des dissonances finalement harmonieuses : les chuchotis et les sifflements de Romain Tiriakian et Camille Trophème éveillent une jolie attention.

Un spectacle performance – une niaque dont la prouesse tient aussi à son cadrage.

Véronique Hotte

Le 11. Gilgamesh-Belleville, 11 boulevard Raspail à Avignon, tél : 04 90 89 82 63, jusqu’au 23 juillet à 10h15, relâche le 17 juillet.