Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Peter Stein

Crédit photo : Svend Andersen

XVM9a85fa2c-35f7-11e9-bf24-75a0a8e1adce-805x537.jpg

Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Peter Stein

 Dans le Misanthrope (1666), une dame de haut rang, Célimène, flanquée de sa cousine Eliante – raconte Georges Forestier dans son Molière –,reçoit dans sa « ruelle » des gens du monde se livrant à leur passe-temps favori, la conversation : on y parle littérature et on s’adonne au jeu malicieux des portraits satiriques.

Honneur est donné aux comportements dans les salons et à la Cour, les conversations portant sur les valeurs et sur les règles de la civilité galante, et sur l’amour. Dans la chambre de l’hôtesse, nommée Célimène, défile le même type d’invités rencontrés dans La Critique de l’Ecole des femmes (1663).

Philinte – Hervé Briaux attentif -, l’honnête homme est sensible au charme de la cousine, Eliante – Manon Combes, patiente et enjouée. Les marquis fats – le longiligne Léo Dussollier et le comique Paul Minthe – se croient tous deux aimés de la maîtresse de maison. Enfin, la prude et hypocrite Arsinoé – digne Brigitte Catillon – impose sa présence malencontreuse.

A cette galerie, s’ajoute un « caractère » nouveau, le courtisan Oronte – Jean-Pierre Malo, rimailleur sincère -, redoublant de politesse, homme du monde qui prétend faire applaudir ses vers, le contre-pied exact du comportement de l’honnête homme.

La grande comédie de salon doit être un « portrait » du grand monde. En vue d’une dynamique de scène menée tambour battant, la pièce repose sur un type de jaloux obsessionnel qui provoque des rebondissements – soupçons et interventions.

Alceste tire le fil de l’intrigue, l’un des familiers de Célimène dont elle est la proie.

Si cette jalousie concerne Célimène – Pauline Cheviller, à la fois, libre et authentique -, c’est que la jeune femme est une coquette qui entretient des relations amoureuses simultanées, un personnage central de la vie mondaine dans la littérature galante.

Un jaloux et une coquette alimentent les cinq actes de la grande comédie, et Molière écrit Le Misanthrope ou L’Atrabilaire amoureux, avec l’énergie d’un homme révolté contre la trahison et contre les gens de cour qui font et défont les réputations.

Vanité du monde et amour absolu, en tous temps, ne font jamais bon ménage : doit-on pour autant fuir ce que l’on exècre du monde et se retirer hors de la société ? Ne vaut-il pas mieux raison garder et savoir composer avec nos semblables ?

Pour le metteur en scène Peter Stein, jalousie et misanthropie font d’Alceste un clown émouvant  dont nous comprenons les résistances et réticences sociales. En même temps, l’élégance des vers, le sarcasme et l’ironie des dialogues s’imposent.

Dans une scénographie efficace – hall étroit tout en longueur, lambris de bois et fenêtres hautes –  Lambert Wilson va et vient en Misanthrope inlassable, se déployant en gestes agacés et furieux, les mains collées au visage, la chevelure longue renversée puis remise, une figure d’Alceste romantique, troublé et passionné.

Le public ne peut que croire à cette belle colère douloureuse si bien incarnée – élan, emportement, rage et, tel un lion, bête traquée dans une geôle d’où elle s’échappe.

Véronique Hotte

Théâtre Libre, 4 boulevard de Strasbourg 75010 – Paris, à 20h00 du mardi au samedi, en matinée le samedi et le dimanche à 16h00. Durée: 1h50. Tel: 01 42 38 97 14.