Et ma cendre sera plus chaude que leur vie, d’après les carnets de notes de Marina Tsvetaeva, mise en scène de Marie Montegani

Crédit photo : Xavier Cantat

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Et ma cendre sera plus chaude que leur vie, d’après les carnets de notes de Marina Tsvetaeva, adapté du recueil Vivre dans le feu présenté par Tzvetan Todorov, traduction de Nadine Dubourvieux (Editions Robert Laffont), mise en scène de Marie Montegani

 Marina Tsvetaeva (1892-1941) rejoint les grands poètes russes du XX è siècle, reconnue en France tardivement dans les années 1980-1990, à côté des contemporains – Pasternak, Maïakovski, Mandelstam, Akhmatova -, essuyant les épreuves douloureuses du destin d’un pays, entre exaltation et tragédie.

Sa poésie est lyrisme, rigueur et éthique, goût pour la musique des mots– oralité et sonorité rythmique -, mettant à bas la tradition. Lyrique et passionnée, la femme de lettres s’est heurtée continuellement à l’engagement idéologique révolutionnaire.

Issue d’une famille d’intellectuels aisés, elle se consacre tôt à la poésie, subissant les privations de la Révolution et de la guerre civile, puis l’exil, vivant dès 1925 dans le milieu émigré parisien qui la rejette pour ses vues politiques et sa poésie exaltée.

L’indépendance et la solitude la placent à contre-courant de son époque, se disant elle-même révolutionnaire en s’insurgeant contre les Rouges. Elle passe sa vie dans le besoin, sans cesser d’écrire, éprouvant un malaise face au quotidien mesquin.

En étrangère, elle rentre en U.R.S.S. en 1939 et se suicide en 1941 après avoir vécu l’arrestation des siens, devenus rapidement prosoviétiques au moment de l’exil, sa fille Alia déportée et son mari, Serge Efron, membre du N.K.V.D., exécuté en 1941.

Les quinze carnets, que l’ouverture des archives de Marina Tsvetaeva a fait connaître au public en 2000, avec ses journaux, couvrent la période de 1913 à 1939.

Les Carnets révèle une écriture fragmentaire et inachevée – une poésie signée d’aphorismes, de formules provocatrices, de jeux de mots – lettres, poèmes et rêves.

Illuminée par la présence de sa fille Alia, elle exalte un émerveillement d’amour maternel exclusif qui va jusqu’à négliger la seconde fille Irina qui mourra de maladie.

L’Allemagne est le pays des poètes préférés – Goethe, Heine, Hölderlin. Elle voue une passion pour Boris Pasternak dont elle hésite à ce que son fils porte le prénom, et grâce à lui, entre en relation épistolaire avec Raine Maria Rilke en 1926 – reconnaissance mutuelle, passion pour l’inspiration poétique et amour expressif.

L’écriture signifie vivre, et cela dès « l’Age d’argent » russe – les deux décennies précédant la révolution de 1917 – une poésie à caractère autobiographique.

Cette poésie intense – feu intérieur et conviction enflammée -, un choix de vie existentiel attentif à l’âme qui vibre, est magnifiquement portée par l’art déclamatoire de la comédienne Clara Ponsot, dirigée par la metteure en scène Marie Montegani.

Au lointain, un écran vidéo où défilent des images à dominante bleue et sombre, extraites de Jamais la mer se retirede Ange Leccia – écume, vagues, flux et reflux- désigne le paysage à l’intérieur duquel se tient, assise sur une chaise, un carnet dans les mains jointes, l’actrice digne, robe sombre, dos droit et visage lumineux.

Il émane de Clara Ponsot une ferveur de vivre, un enthousiasme sensuel à distiller et à exprimer, à travers la voix d’abord et le port d’un corps ensuite, un goût affirmé pour l’art de dire – éprouver, sentir et ressentir – cette belle énigme d’être au monde.

Véronique Hotte

Le Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs 75006 – Paris, du 13 février au 6 avril, du mardi au samedi à 21h. tél : 01 45 44 57 34