Bella Figura, texte et mise en scène de Yasmina Reza

Crédit photo : Pascal Victor

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Bella Figura, texte et mise en scène de Yasmina Reza

 Yasmina Reza – auteure et dramaturge – présente ainsi sa pièce Bella Figura par quelques phrases que nous ne livrons pas entièrement : « Un homme et une femme se tiennent sur un parking de restaurant de province, Elle, Andrea, mère célibataire, préparatrice en pharmacie, est encore dans la voiture. Son amant, Boris, patron d’une entreprise de minoterie, essaie de la convaincre d’en sortir, en dépit de l’erreur qu’il vient de commettre : mentionner que le restaurant lui a été conseillé par sa femme… Bella Figura explore la soirée consécutive à cette faute originelle… »

Bella Figura de Yasmina Reza a été créée en 2015 par Thomas Ostermeier à la Schaubühne de Berlin avec dans le rôle principal une de ses égéries, Nina Hoss.

Une histoire de tromperie adultérine qui pourrait verser dans le théâtre de boulevard, si ce ne sont les propos raffinés et moqueurs évoluant dans le non-dit, l’implicite et le sous-entendu – un monde à l’humour âpre et à l’ironie acerbe, un rien angoissant.

Et le rôle principal dans la mise en scène de Yasmina Reza est tenu par Emmanuelle Devos, dont les jambes longues sous une petite robe courte estivale d’ado tiennent lieu de personnage : elles sont là, allongées sur le siège avant de l’automobile, alors que le buste et la tête de la dame légère s’attardent longuement dans l’habitacle.

Boris, l’amant qui a maille à partir avec son entreprise en déclin, joue la sensibilité rustre masculine avec pourtant des pointes judicieuses de souffrance mélancolique. Il a failli, voulant quitter les lieux en marche arrière, renverser une dame âgée.

Celle-ci, accompagnée de son fils et de sa femme, fête son anniversaire au restau.

Josiane Stoléru dans le rôle est malicieuse, entre traces de maladie d’Alzheimer et volonté d’agacer son fils – Micha Lescot joue les clowns à merveille pour détendre l’atmosphère pesante – et sa belle-fille – incarnée avec la belle réserve de Camille Japy -, qui est l’amie de l’épouse légitime de Boris ! D’où un sentiment de malaise.

Le décor magnifique de Jacques Gabel est un espace vide où étincelle une magnifique Audi jaune – objet de désir pour les imaginaires avides de clinquant.

Entre les scènes, résonne la musique de Nathan Zanagar et de Théodore Eristoff pour une reprise revisitée de « Gimme shelther » des Rolling Stones, tandis que les images vidéo des Dronographes font vivre la campagne nocturne alentour, herbes et roseaux en ombres chinoises sous les croassements des grenouilles et crapauds.

Alors qu’Andrea, l’amante fâchée de Boris et qui le lui fait payer, talons rouges surplombants qui traversent l’espace, n’en finit pas de fumer cigarette sur cigarette, petit sac à la main et tirant sans cesse sur sa petite robe trop courte pour la rallonger, elle avale en même temps médicaments en pagaïe – calmants et autres antidépresseurs.

Souriante et avenante, elle interpelle les convives qui s’apprêtent à fêter l’anniversaire, s’invitant à la table festive pour la plus grande gêne de Françoise, agacée par cette intruse sans vergogne, et qui peu à peu s’enivre pour le plaisir d’Eric, charmé, et pour le bonheur de la mère qui s’entiche de la femme provocatrice.

Rien sur la scène n’advient, si ce n’est l’atmosphère pesante que le public patient éprouve un peu trop longuement, attendant que se déplie une inquiétude tenace.

Les acteurs vifs sont précis, facétieux et heureux d’en découdre, mais à quelle fin ?

Les téléphones blancs à fil d’une certaine époque du théâtre de boulevard sont remplacés par la belle Audi jaune, les canapés de jardin et le ton frivole et désenchanté de tous ces personnages qui se rencontrent sans ne se dire rien.

Reste la gracieuse Emmanuelle Devos qui mime les Marylin émerveillées.

Véronique Hotte

Théâtre Renaud-Barrault, du 7 novembre au 31 décembre à 21h. Tél : 01 44 95 98 21