L’Avare de Molière, mise en scène de Ludovic Lagarde

Crédit Photo : Pascal Gély

L AVARE
L AVARE de Moliere Mise en scene de Ludovic Lagarde Scenographie d Antopine Vasseur Lumieres de Sebastien Michaud Costumes de Marie La Rocca Avec: Laurent Poitrenaux : Harpagon Christele Tual : Frosine Julien Storini : La Fleche et le commissaire Tom Politano : Cleante Myrtille Bordier : Elise Alexandre Pallu : Valere Marion Barche : Mariane, Louise Dupuis : maitre Jacques Denis Dongois : Anselme Antonin Totot : Maitre Simon Elie Chapus : La Merluche Elodie Veau : Brindavoine Gwenaelle Vaudin : Dame Claude Zacharie Jourdin, Charline Voinetet Malek Lamraoui : assistants du commissaire Lieu : Comedie de Reims Ville : Reims Le : 06 10 2014 © Pascal GELY

L’Avare de Molière, mise en scène de Ludovic Lagarde

Pour la mise en scène de L’Avare par Ludovic Lagarde, la scénographie signée Antoine Vasseur s’annonce des plus inattendues, en imposant au regard du public le volume immense d’un dépôt de magasin, arrière-salle ou coulisses d’une enseigne contemporaine peut-être spécialisée dans le mobilier d’intérieur ou de bureau.

L’espace scénique est ainsi saturé par un amoncellement de grands cartons, moyens et petits, rangés en piles hautes – quelques tours stables aux angles géométriques aigus -, tel le bel ordonnancement d’une maquette architecturale urbaine relativement agrandie. Un quartier de ville dans la ville, avec ses allées, ses travées, ses coursives, ses parcours et ses cachettes obligées, ses repaires oubliés.

Nulle trace de chaleur humaine, si ce ne sont les lents déplacements professionnels de ces volumes étranges par les servantes et les valets de la comédie de Molière, agents munis de diables manipulés grâce à une technique sûre pour ébranler ces massifs insolites de cartons en tous genres.

Entre les reliefs géographiques d’une danse alanguie de paquets volumineux à déplacer, se meuvent avec une agilité savante des jeunes gens à la dégaine d’aujourd’hui – tenue nonchalante à la fois négligée et étudiée pour Valère ; talons aiguilles et leggins noirs pour la vamp’ Élise -, le premier étant amant de la seconde, fille d’Harpagon, et homme de confiance de ce maître tyrannique.

Le jeune loup Cléante, fils de la maison et frère d’Élise, parcourt les lieux en rongeant son frein, agacé par l’avarice paternelle qui l’empêche de faire le beau et rendre ses hommages, comme il se doit, à la tendre et libre Marianne, une jeunesse sucrée que le père aimerait bien faire sienne. Tout va mal décidément chez Harpagon du fait de la folie de retenir à soi le moindre argent : foin de l’avarice et des avaricieux.

Et La Flèche, le valet de Cléante, aimerait en découdre avec cet homme « de tous les humains le moins humain », comme de son côté, Maître Jacques à la double casquette de cuisinier et de cocher est las de préparer des repas avec rien, pris de pitié encore par ses chevaux qui « ne sont plus rien que des idées ou des fantômes, des façons de chevaux ». Le comique Maître Jacques tient à ses heures, son stand festif de pizzas, sans le sou et le cœur battant.

Les comédiens – Marion Barché, Myrtille Bordier, Louise Dupuis, Alexandre Pallu, Tom Politano, Julien Storini, Christèle Tual pour le rôle de Frosine, l’entremetteuse et « femme d’affaires » qui hante les aéroports avec sa valise à roulettes – donnent la mesure d’une folie, reçue à travers une contamination terrorisée avec le maniaque, une fréquentation avec l’obsessionnel : ils sont nerveux, méfiants et moqueurs.

Laurent Poitrenaux impose avec brio et superbe – un bel humour libre et inventif – la tyrannie du désir d’acquérir, d’accumuler et de thésauriser contre tous les siens. Il se montre père impatient, impérieux, injonctif, brutal, violent, rival méprisant son fils.

L’acteur mène la danse avec panache, maître suffisant au milieu de sujets soumis.

Comédien généreux pour un monument d’égoïsme, il souffle la mise avec aisance.

Véronique Hotte

Le Théâtre de Lorient – Centre Dramatique National, du 23 au 26 mars.