La Haye –  Le procès de poutine, de Sasha Denisova, traduit du russe par Gilles Morel et Tania Moguilevskaïa, éditions Les Solitaires intempestifs, 2024.

La Haye –  Le procès de poutine, de Sasha Denisova, traduit du russe par Gilles Morel et Tania Moguilevskaïa, collection Domaine étranger, éditions Les Solitaires intempestifs, 2024.

L’audience du Tribunal pénal international de La Haye a déjà commencé. Dix hauts dirigeants russes sont d’ores et déjà détenus dans une prison néerlandaise. Prigojine clame selon les circonstances qu’il est vivant ou qu’il est mort. Et poutine (qui a perdu sa majuscule) tente de contenir sa meute.

Ce n’est que l’espoir de justice, sans laquelle les profondes blessures ne guériront pas avant longtemps – telle est la modeste contribution solidaire, selon les éditions des Solitaires intempestifs.

« Messieurs les juges, en ouvrant ce procès contre les responsables de la guerre en Ukraine, je voudrais m’adresser à vous. Aujourd’hui, nous ne jugeons pas seulement des individus, mais un Etat tout entier, un système social qui a conduit à une guerre monstrueuse et brutale qui a détruit des milliers de vies, des familles et des villes entières. »

La guerre en Ukraine est terminée et des hauts dirigeants russes de premier plan sont détenus. Les audiences de la Cour pénale internationale de La Haye ont commencé. Qui sera condamné pour les bombardements, les massacres, la déportation d’enfants, la torture et la mort d’Ukrainiens ? Ce texte, bien au-delà du militantisme, incarne l’espoir d’une justice, sans laquelle les profondes blessures ne guériront pas avant longtemps.

Sasha Denisova est Ukrainienne. Elle quitte Moscou pour Varsovie le 24 février 2022.

Le texte est créé en février 2023 au Teatr Polski Poznan dans la mise en scène de Sasha Denisova. En juin 2023, la traduction anglaise, mise en scène par l’autrice, voit le jour au Beat Brew Hall de Boston.

La version bulgare, traduite par Galin Stoev, est créée au Théâtre National Ivan Vazov de Sofia en septembre 2023. Cette mise en scène sur-titrée en français est présentée sur la scène du ThéâtredelaCité, centre dramatique national de Toulouse Occitanie, en janvier 2024. (Nous avons aussitôt rendu compte du spectacle sur ce même blog.) 

Lisons l’Avertissement de Tania Moguilevskaïa et Gilles Morel :

« Toute ressemblance avec des personnes ou des situations présentes ou passées ne saurait être…

Le corps de cette pièce chargée d’espoir est composé ou inspiré de prises de parole publique des protagonistes morts ou vifs désignés; de documents écrits et d’images glanées dans les médias nationaux, sociaux, privés.  Autant de fictif dans le réel, de réel dans le fictif, que l’autrice livre en monologues, tisse en dialogues. Et qui, par un jeu ubuesque de réactions en chaîne, activent le coeur de cette revigorante et plausible chimère documentée. Slava Ukraine ! »

Ecoutons les propos de la pièce, dans les échanges entre les protagonistes, ainsi ceux de Iouri Kovaltchouk, oligarque, magnat de la presse, « portefeuille de poutine »:

« Volodya n’est pas apte à jouer le rôle de monarque. Oui, il avait des ambitions comme Pierre, mais il avait aussi de la cruauté comme Nicolas, il voulait annexer des terres comme Catherine, mais il a perdu comme Alexandre, heureusement que nous n’avons pas tous été fusillés comme la famille Romanov. Quel opprobre… Nous avons pris à la gorge, avec la grande utopie de la grande Russie, le peuple profond, malgré la pauvreté et la dévastation. Nous avons écrasé l’intelligentsia. Nous avons encore marché sur le même râteau, celui que Tolstoï, Dostoïevski décrivaient déjà. La littérature russe a déjà tout prédit, dommage qu’elle soit interdite, nous étions indignes d’une si grande littérature.

Nikolaï Patrouchev, chef du Conseil de sécurité, ex-chef du FSB russe rétorque : Il n’y a pas de grande littérature sans guerre, Yura. Regarde Guerre et Paix ? A l ‘Ouest rien de nouveau ? Abattoir 5 ?

Youri Kovaltchouk poursuit : Chaque Russe va désormais trembler au moment du contrôle des passeports. Chaque Russe va désormais se faire cracher dans sa soupe dans les bistrots français et les pubs allemands. Des millions de personnes ont quitté le pays, comme en 1917. Les Russes auront l’air pathétiques et risibles. On nous oubliera pour des décennies entières. On peut faire une croix sur notre influence, notre culture et notre histoire. Nous allons sortir de l’arène mondiale. Et qu’adviendra-t-il de Tchekhov, de Stanislavski, d’Anna Karénine et du Docteur Jivago, d’Akhmatova et de Vasnetsov, de Diaghilev, de Plissetskaïa, de Tchaïkovski ? »

Une pièce à lire forcément, en lien exact avec une actualité « brûlante » qui n’en finit pas.

Véronique Hotte

La Haye –  Le procès de poutine, de Sasha Denisova, traduit du russe par Gilles Morel et Tania Moguilevskaïa, collection Domaine étranger, éditions Les Solitaires intempestifs, 2024.