Les Vagues, d’après Virginia Woolf, mise en scène Elise Vigneron, au Théâtre de la Tempête.

Crédit photo : Damien Bourletsis.

Les Vagues, d’après Virginia Woolf, mise en scène Elise Vigneron, manipulation scénique Vincent Debuire, dramaturgie et adaptation Marion Stoufflet, direction d’acteur  Stéphanie Farison, regard extérieur Sarah Lascar, création sonore Géraldine Foucault, Thibault Perriard, créations lumières César Godefroyavec Loïc Carcassès, Thomas Cordeiro, Zoé Lizot, Chloée Sanchez, Azusa Takeuchi.

Virginia Woolf écrivit dans son journal au sujet des Vagues : « Je trouve que c’est le  plus difficile et le plus complexe de tous mes livres ». C’est en général considéré comme son œuvre formellement la plus audacieuse où deux plans se superposent: les moments de vie de cinq personnages qui se connaissent, et les tableaux successifs d’une journée en bord de mer du lever au coucher du soleil. 

Entre les paysages raffinés des impressions et des couleurs de la mer aux différentes heures du jour, se glissent les destins et les tumultes intérieurs de chacun des six personnages. Bernard, idéaliste insatisfait, qui est aussi le narrateur principal,  Susan qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants, famille heureuse en harmonie avec la nature. A l’opposé, Neville, homosexuel, esthète, poète idéaliste et torturé, et Jinny, sensuelle, vivante  jusqu’au bout. Rhoda et Louis, étrangers à eux-mêmes, mal assurés, vont se rapprocher puis reprendre leur destinée solitaire. Les Vagues sont aussi une ode à la littérature, les trois personnages masculins s’y consacrant peu ou prou alors qu’un quatrième, figure symbolique et inaccessible, apparaît sous le nom de Perceval, émanation littéraire s’il en est.

Le roman fait l’objet d’une culte théâtral en France comme en témoignent les mises en scène récentes de Pauline Bayle, Pascale Nandillon et Frédéric Tétart ou Marie Christine Soma (cf Hottellotheatre). Un culte qui est une forme de défi:  comment traduire au théâtre l’incandescence d’une écriture et d’une forme littéraire et poétique même si les soliloques des personnages offrent l’opportunité d’oraliser le texte ?

Quant à la forme, Elise Vigneron inscrit sa mise en scène, plus largement une installation plastique et mouvante, dans une recherche sur les éléments, en l’occurrence l’eau sous la forme de glace, qu’elle poursuit depuis plusieurs spectacles. Quant au fond, elle met en avant le concept de porosité entre l’homme et l’élément au travers des manipulateurs qui font corps avec leur marionnette de glace et jouent à la fois leur personnage. Un concept fluctuant qui se prête a priori bien au texte de Woolf. 

Neville est absent  mais Louis et Bernard s’expriment par les  voix, corps et marionnettes de Loic Carcassès  et Thomas Cordeiro, tands que Susan, Rhoda, et Jinny sont habités par Zoé Lizot, Chloée Sanchez et Azusa Takeuchi.

Dans une ambiance nocturne et brumeuse une boule de glace se brise au dessus de la scène, puis les acteurs vont un à un sortir de leur gangue réfrigérée les marionnettes à taille humaine qui vont devenir leur double. Ensuite le ballet des corps de glace peur commencer dans les airs, dirigés au sol par chacun des acteurs qui gardent leur voix, comme un repère par rapport à l’œuvre dont les extraits ont été soigneusement choisis.

Le résultat est spectaculaire et le public est aux anges. Des morceaux de marionnettes se détachent de temps en temps, des gouttes perlent en permanence sur l’eau qui couvre le plateau et reflète ces corps brillants et translucides, générant des images envoûtantes et inédites.

Par contre, la proposition est moins pertinente pour l’incarnation du texte perdu dans le dispositif. Les voix des acteurs sont trop extériorisées, on croirait entendre du Maerterlinck alors que le style de Woolf n’est pas cérémonieux et bruisse de sensations. 

Un spectacle brillant formellement, un peu victime de lui-même, de sa technique magnifiquement maîtrisée au détriment de son écoute et de sa profondeur.

Louis Juzot

Jusqu’au 26 mai, du mardi au samedi 20h, dimanche 16h au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris Tel : 01 43 28 36 36 www. la-tempete.fr Les 10 et 11 octobre 2024 au Mfest, Amiens (Somme). Le 8 novembre 2024, Les Salins, Martigues (Bouches-du-Rhône). Le 19 novembre, Scène 55, Mougins (Alpes-Maritimes). Les 22 et 23 novembre, Théâtre de Nice (Alpes-Maritimes). Les 27 et 28 novembre 2024, Théâtre du Bois de l’Aune – Aix-en- Provence (Bouches du Rhône). Du 6 au 31 janvier 2025, Chicago et NY Festival  Under the radar (USA). Les 25, 26 et 27 mars 2025, CDN L’Union, Limoges (Haute-Vienne)…