« Nord infini suivi » de « La Cavale » de Noham Selcer, éditions Les Solitaires intempestifs, 2024.

Nord infini suivi de La Cavale de Noham Selcer, éditions Les Solitaires intempestifs, 2024.

Noham Selcer vient de publier son premier roman chez Gallimard, Les Chaînes de Markov., et les deux textes forts – Nord infini suivi de La Cavale – publiés aujourd’hui par Les Solitaires intempestifs affirment la singularité de cette écriture.

Nord infini a été écrit dans le cadre d’une résidence à La Chartreuse, Centre national des écritures du spectacle, soutenue par Prémisses Production. Et l’auteur tient à remercier pour ce texte des figures avérées de notre théâtre contemporain – Claudine Galéa, Christophe Rauck, Tiphaine Raffier et Pauline Bayle.

Pour l’éditeur François Berreur, Nord infini s’inscrit dans une préoccupation écologique de notre devenir, avec une véracité du récit permise par les connaissances scientifiques du dramaturge.

Clothilde se rend dans le Nord afin de relever les taux de pollution de différents sites dans le cadre de son travail de biologiste. Malgré les refus des propriétaires, elle se rend sur les lieux, fait ses analyses … jusqu’à rencontrer Henno, une jeune habitante de la forêt de Raismes, au bord du lac à Goriaux, qui l’entraîne plus loin, la pousse à sortir de ses comptes-rendus: pour ouvrir les yeux. 

Quelques extraits de la pièce Nord infini :

« ça vous intéresse. Vous voudriez savoir si c’est ce qui m’a rendu aveugle ou si je suis aveugle de naissance. Vous voudriez faire vos petites analyses. Vous voudriez essayer, vous injecter un truc pour n’être plus tout à fait la si sérieuse biologiste que vous êtes. Vous voyez les bouteilles d’ammoniaque en plastique, là-bas, avec un bouchon de sécurité ? », tel est le propos, entre autres, de Gex, un aveugle, gardien d’une passerelle au Relais Nature du parc de la Deûle.

Et à la fin, face à Clothilde, la Patronne de l’hôtel Le Forestier, à Saint-Amand-les-Eaux, .se détermine, redoutant le procès qui pourrait lui être intenté:

« Que pourrai-je dire ? Monsieur le juge, il n’est pas au goût du jour, mon hôtel, bien sûr, il n’est pas fonctionnel… j’ai laissé un camion rejeter chaque mois quelques eaux usagées dans le lac situé à trois kilomètres de là où dorment les clients, certes, mais tout est vrai, mais c’était l’hôtel construit par mes parents pour accueillir ceux qui chercheraient un refuge hors des villes, isolé au fond de sa forêt, où l’on mangerait bien… »

Et Clothilde, de lui répondre :

« Madame, quand le lac s’est créé, l’eau est remontée directement d’une nappe phréatique. Votre lac est relié à toute l’alimentation en eau potable du Nord et empoisonne chaque jour plusieurs millions d’habitants. Ce ne sont pas de simples eaux usagées qui sont déchargées là-bas… »

On apprendra qu’il s’agit pour le lac d’une pollution récente par des hydrocarbures lourds, du soufre et de l’oxyde de fer. Ce composé chimique est à l’origine de la coloration orangée du lac.

Et Clothilde semble reprendre en main sa propre vie existentielle…

Pour La Cavale, l’auteur tient à remercier chaleureusement Claire Dupont et Raphaël De Almeida. Le texte a été écrit à la Maison Maria Casarès, avec le soutien de Prémisses Production. Il sera créé le 13 novembre 2024 au Théâtre de l’Athénée par Ambre Febvre, dans une mise en scène de Jonathan Mallard.

Un monologue dans lequel une femme veut comprendre ce qu’elle vit et ce qu’elle ressent. Pour cela, elle se confronte à un cauchemar qui la hante et cherche à remonter aux origines de la peur.

Les didascalies précisent que « Ce texte peut être dit par une femme ou un homme sans que cela ne change un seul son »

La Peur: j’ai eu peur car je ne connais pas la nuit, je ne connais que les rassurantes lumières de la ville. Comme tout le monde, j’ai grandi dans une zone urbaine, un agrégat de constructions humaines où la nuit, le silence des étoiles et des nuages qui les voilent par intermittence, les craquements de l’obscurité, n’existent pas. Cette longue épreuve des ténèbres qui fait naître l’impatience de l’aube et, permettez-moi d’user de mots trop sérieux pour moi, la joie du soleil….

Une écriture à découvrir, à laquelle s’attacher sans conteste.

Véronique Hotte

« Nord infini » suivi de « La Cavale » de Noham Selcer, éditions Les Solitaires intempestifs, 2024.