Lettres non écrites, conception et écriture David Geselson, au Théâtre du Rond-Point.

Crédit photo : Simon Gosselin.

Lettres non écrites, conception et écriture David Geselson, Interprétation David Geselson, avec, en alternance, Sharif Andoura, Servane Ducorps, Juliette Navis, Alma Palacios, violoncelliste, en alternance,Jérémie Arcache, Myrtille Hetzel.

« Si vous avez un jour voulu écrire une lettre à quelqu’un sans jamais le faire, parce que vous n’avez pas osé, pas su, pas pu, ou pas réussi à aller jusqu’au bout, racontez-la moi et je l’écris pour vous. Si elle vous convient et que vous acceptez, j’en ferai peut-être quelque chose au théâtre », précise l’épistolier David Geselson, homme authentique de lettres dont on a pu vérifier le talent à travers nombre de créations théâtrales inventives.

L’auteur et metteur en scène a par ailleurs publié Lettres non écrites en 2021 aux éditions Le Tripode – prix Révélation du Premier roman 2022 de la Société des Gens de Lettres.

Initiateur du projet des Lettres non-écrites en 2016, les représentations se poursuivent depuis 2017, ville après ville, invitant pour le Rond-Point de nouveaux spectateurs à partager avec le concepteur leurs missives le matin même de chaque représentation. Dans la journée, elles sont écrites, et le soir, elles sont transmises et mêlées à d’autres lettres issues d’autres rencontres. Une collection de témoignages bouleversants rappelle que le théâtre, en tant que territoire d’invention, peut porter une parole intime anonyme. 

Une dizaine de lettres sont lues chaque soir, où se mélangent les lettres du jour avec celles d’autres villes, ajoutons des Parisiennes à Orléans, des Arlésiennes à Saintes, des Toulousaines à New York, des New-Yorkaises à Lorient et des Lorientaises à Duclair :        « Une forme de communauté des mots invisibles se construit au fil des lieux. »

La lettre est un écrit que l’on adresse à quelqu’un pour lui communiquer quelque chose: « La lettre écrite, je m’habillai en hâte et courus d’un trait à la poste…et ce fut d’une main fébrile, mais comme résolue, que je jetai la lettre à la boîte. »  (Paul Verlaine, Confessions.) La lettre est décisive, elle a une importance subjective qui ébranle l’auteur.

Elle peut être, entre autres lettres d’affaires ou de condoléances, lettre d’amour ou lettre de rupture : « En ouvrant la première lettre de Marthe, je me demandai comment elle exécuterait ce tour de force: écrire une lettre d’amour. J’oubliais qu’aucun genre littéraire n’est moins difficile : il n’y est besoin que d’amour. » (R. Radiguet, Le Diable au corps.)

Ce soir du 27 avril, en compagnie de l’auteure, metteuse en scène, dramaturge et comédienne Juliette Navis et de la violoncelliste Myrtille Hetzel qui elle aussi « dit » des lettres, David Geselson donne à entendre des lettres d’amour bousculé ou d’après rupture. Certaines sont telles des remises à niveau, nécessaires pour un nouveau départ, entre répétition et variation, d’une relation amoureuse à réadapter et à retenter encore: » Enfoiré, je t’aime, et on fera tout ce dont on a parlé – voyager…- et qu’on n’a jamais fait. »           

Juliette Navis, grave et posée, prend en charge la parole amère d’enfants maltraités : « Pauvre petite fille « , disant son fait à une marâtre accablée par des grossesses successives. La première se promet de ne pas agir ainsi envers son propre enfant. L’actrice évoque les femmes niées.par leur ex-conjoint; l’une d’elles rappelle au destinataire de sa lettre qu’il est le père de ses enfants et qu’il en a la garde partagée…

Lumineuse, elle est celle qui explique à ses parents paysans que le Mal dans la société ne vient pas des « Bourgeois », mais d’abord des « Cons »; pour ne pas qu’ils le deviennent, ses frères et soeurs se cotisent, et les retraités pourront partir à la découverte du monde.

Des histoires intimes, de celles qui ne parviennent jamais à la formulation claire et sonnante  de leur auteur, jugées trop osées, impudiques et exagérément révélatrices, inavouables, toujours tues, si peu assumées mais tellement présentes dans leur intensité.

Des dits existentiels où chacun perçoit une vérité immédiate qui ne peut que le concerner.

Véronique Hotte

Du 23 au 27 avril 2024, au Théâtre du Rond-Point 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt 75 008 Pari. T. 01 44 95 98 21, theatredurondpoint.fr