Capharnaüm, poème théâtral, conception, écriture en direct et mise en scène Valérian Guillaume, au TCI.

Capharnaüm, poème théâtral, conception, écriture en direct et mise en scène Valérian Guillaume, chorégraphie, scénographie et dessin Livia Vincenti, vidéo Florent Fouquet, costumes Nathalie Saulnier, lumières William Lambert avec Julia Doucet, Giulia Dussolier, Valérian Guillaume, Jean Hostache.

Valérian Guillaume manie la dialectique avec une belle aisance. Il n’hésite pas dans sa présentation du spectacle à affirmer « qu’il a développé une méthode singulière, naviguant entre la méthode des loci, héritée de Simonide de Céos, et  l’imaginaire  de la pensine  dans le lore d’Harry Potter ». Rien de moins, entre le poète admiré de la Grèce classique auquel on attribue les premiers poèmes élégiaques (perdus), la maîtrise de procédés mnémotechniques, la création de certaines lettres de l ’alphabet grec et l’univers ludique de la fantasy.

Cerise sur le gâteau, Capharnaüm  est inspiré des EMI – expériences de mort  imminente – sur lesquelles a travaillé le concepteur. Il associe à ces moments particuliers vécus par quelques personnes à l‘écriture automatique et plus généralement aux expressions de l’inconscient ou du préconscient. 

Autant dire qu’il ne faut pas attendre de Capharnaüm les repères habituels liés au réel, à la chronologie  ou  au discours rationnel; d’emblée, Valérian Guillaume se lance sur scène dans une longue logorrhée verbale improvisée où se bousculent  mots et concepts sans articulation. Il se tient côté jardin devant sa console alors que le centre du plateau commence à s’animer de dessins projetés, réalisés en direct par Livia Vincenti, plasticienne, chorégraphe, co-metteuse en scène du spectacle. 

Puis trois silhouettes surchargées de lourds atours hétéroclites et de rebuts clinquants viennent coucher l’orateur  au centre du plateau, le recouvrant d’objets divers, dressant un mausolée magnifié par les couleurs, les lumières et les projections. Les effets d’irisation et de brillant, le bleu acrylique et les paillettes se mêlent aux plastiques et déchets divers du quotidien le plus trivial.

Les mots qui, semble-t-il, sont tapés par le performer sous son mausolée de bric-à-brac s’affichent sur le mur de scène et les trois apparitions se débarrassent de leurs oripeaux pour se transformer en danseurs, tout de noir vêtus. Le plateau s’anime, les danseurs illustrant par de belles arabesques la cohorte des mots qui se bousculent. Le rappel de rituels au défunt des cultures animistes, l’idée que la mort est un passage vers un autre état …

La démarche est tellement chargée de connotations qu’elle interroge, entre une geste artistique grave et sincère, un monument  grandiloquent d’auto-ironie ou un  joli tableau, esthétisant et animé, mais superficiel.  C’est sans doute un peu de tout cela et chaque spectateur le ressent à sa façon.

Mais le résultat ne manque pas de style. Valentin Guillaume et sa troupe essaient d’inventer un théâtre visuel  et subjectif  en reliant préoccupations humaines de toujours et techniques d’aujourd’hui, la force d’envoutement de ce  Capharnaüm très surchargé apparaît, au bout du « conte ».   

Louis Juzot

Du 25 au 27 avril au Théâtre de la Cité Internationale, 17 bd Jourdan75014 Paris.