Shakespeare : Le Langage des blessures de Clifford Armion – Éditions de l’Entretemps

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Shakespeare : Le Langage des blessures, de Clifford Armion, collection Champ théâtral, éditions de l’Entretemps

 

Clifford Armion propose une exploration du symbolisme des blessures dans l’œuvre de Shakespeare. Fondée sur une étude de la médecine, de l’Église et des arts de l’Angleterre élisabéthaine, l’étude éclaire le lecteur-spectateur de Shakespeare.

Aussi, Shakespeare : Le Langage des blessures s’inscrit-il dans le projet de

Brigitte Gauthier qui dirige le programme de recherche SCRIPT (Scénaristes Créateurs Réalisateurs Interprètes Performers Traducteurs) d’Évry Val-d’Essonne, afin de créer une réflexion interdisciplinaire sur les arts du cinéma et du spectacle.

 

Brigitte Gauthier soutient le Shakespeare de Clifford Armion : Langage des blessures et Kaléidoscope universel : le dramaturge anglais est la sève qui nourrit les artistes.

« Son œuvre se place entre la Bible et le Code Pénal, orientant nos émois et nos dérives là où les deux autres textes dictent des conduites…

Shakespeare tisse une histoire parallèle à l’histoire d’Angleterre, celle des hommes qui ont insufflé des modifications au déroulé prévu de l’histoire en risquant l’intégrité de leur âme et de leur chair. L’étude des blessures est un relevé topographique des traces de ces écarts, de ces divergences qui marquent les individus et le monde… »

Clifford Armion a choisi une approche esthétique et se documente en étudiant les textes et les images sur l’anatomie ou la dissection. Il dresse un tableau de la réception de l’époque élisabéthaine, de ce désir d’un spectacle fort qui expose les effets des meurtres et des guerres, même si pendant la période shakespearienne les actes de violence se déroulent dans un hors-scène…

L’œuvre shakespearienne confine la violence en coulisses mais en expose les traces sur scène et dans ses paroles, à la recherche d’une crudité qui fasse vrai, susceptible de toucher le public.

A priori, le contexte de l’époque aurait dû orienter l’auteur vers du Grand-Guignol, étant donné le goût des hommes pour les exécutions publiques, l’intérêt nouveau pour la dissection des cadavres et de la puissance narrative des massacres politiques. À l’inverse, Shakespeare est tout en retenue. Il trace les sillons dans les chairs au lieu de verser des seaux de sang sur la scène, déposant une empreinte sur une autre scène, celles des corps et des esprits.

La représentation de son œuvre est comme transcendée : elle se maintient à vif quels que soient les metteurs en scène.

C’est la langue qui porte les scories, égratignures, cicatrices et traverse les siècles… »

« Enfin, le symbolisme des blessures, écrit Clifford Armion, se nourrit de glissements sémantiques dont l’abondance suggère l’importance du motif de l’ouverture des chairs dans le tissu dramatique de l’œuvre. Si l’enveloppe charnelle des personnages est exposée aux blessures, d’autres surfaces le sont elles aussi.

Par le truchement de la métaphore du corps, la terre du royaume, la voûte céleste, les mers agitées, ou bien encore la scène même du théâtre, sont également sujettes  aux plaies révélatrices. »

L’ouverture des chairs est reliée à la sensualité et à la sexualité.

La rupture de l’hymen et la perte de la chasteté sont l’objet d’un transfert du symbolisme des plaies guerrières et de l’incision chirurgicale.

Pourquoi l’omniprésence de l’image de la plaie et de ses échos métaphoriques au sein du Corpus shakespearien ?

La violence de la cité apparaît en filigrane comme schéma politique majeur.

Les personnages quelles que soient les périodes et les villes s’entretuent au nom d’une politique culturelle…

Éternel retour du mal, de l’envie, de la jalousie et de la trahison. Éternel retour de l’agression, du viol et de l’assassinat. Shakespeare est décidément  notre contemporain (Jan Kott)…  À lire, forcément.

Véronique Hotte

Shakespeare : Le Langage des blessures, de Clifford Armion, collection Champ théâtral, éditions de l’Entretemps