
Crédit photo : Matthieu Bareyre
Pièce d’actualité n°18, Le Journal d’une femme nwar, écriture Matthieu Bareyre, Rose-Marie Ayoko Folly, Marion Siefert, réalisation Mathieu Bareyre. A la Commune, centre dramatique national Aubervilliers, et dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.
Les pièces d’actualité du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers initiées par Marie-José Malis, atteignent leur dix-huitième numéro. Elles répondent aux contraintes de l’inscription dans le tissu environnant urbain et de la participation des habitants de Seine-Saint-Denis.
Les pièces d’actualité souvent proches de récits collectifs ou individuels, au cœur des problématiques d’accueil des migrants et de la vie des cités, ont des formes variées, même si le théâtre reste la forme princeps.
Mais cette fois, le cinéma s’empare totalement de la scène et cette pièce est purement une projection, proche de l’esprit d’un documentaire filmé, et dédiée à un visage, celui de Rose-Marie Ayoko Folly .
Rose crève l’écran car elle se raconte en général de face tout en se livrant à ses activités artistiques, écriture, coiffure , peinture corporelle ou sur support dans une avalanche d’étoffes chamarrées ou de paysages exotiques.
C’est son côté solaire, car il y a la face sombre, celle justement de la femme nwar, celle captée par les images d’un smartphone, celle des ruptures de communication et des mots incohérents, des injures balancées à la face du monde, de l’hôpital psychiatrique : Rose souffre de troubles bipolaires aigus.
Le réalisateur Matthieu Bareyre vit une relation d’amitié forte avec Rose qu’il connaît depuis son premier film sur la jeunesse dans les nuits parisiennes. Une amitié artistique, c’est leur troisième collaboration, mais plus, à la fois respectueuse, pudique et profonde, car Mathieu fait partie des trois référents de Rose dans son suivi médical.
C’est lui qui a choisi le terme nwar en référence au « nwarmalement » de Booba, « une face sombre, inavouable, pas recommandable, pas comme il faut… »
Aux deux faces de la maladie, répond en écho le double autoportrait de Matthieu qui a introduit son journal de petit bourgeois en miroir de celui de la jeune femme nwar. Et on ne peut imaginer un tel contraste, famille aisée, Ferrari et vacances idylliques. Enfin pas seulement, car Matthieu aborde sans détour aussi les failles de cette enfance pas si douce.
La réalisation du film n’a pas été simple et Matthieu indique qu’il a introduit son journal, alors que Rose avait disparu des radars. Rose revenue, elle a bien accepté cet ajout qui crée une symétrie égalitaire, tout le contraire de leur vie. D’un côté, la jeune femme noire issue de l’immigration et d’une famille désunie qui devra se battre pour s’affirmer, de l’autre, le jeune homme blanc et sans problème de reconnaissance, libre et encouragé à choisir son chemin.
Le film est indéniablement sincère et savamment construit d’images diverses comme un kaléidoscope de l’âme humaine. Il est parrainé dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, conformément à son orientation, depuis ces dernières années, en quête d’un nouveau public moins confidentiel que celui des spectacles et des expositions un peu trop parisiennes.
Louis Juzot
Du 8 au 20 novembre, au Théâtre La Commune, centre dramatique national d’Aubervilliers et dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, les 10, 15, 16 et 17 novembre 19h30, les 11,12 et 19 novembre 18h, les 13 et 20 novembre 16h, le 18 à 20h30 , lacommune-aubervilliers.fr, tel: 01 48 33 16 16, festival-automne.com, tel : 01 53 45 17 17.