
Crédit photo: Jean-Louis Fernandez
La Faculté des rêves, texte de Sara Stridsberg, traduction Jean-Baptiste Coursaud, adaptation et dramaturgie Lucas Samain, mise en scène de Christophe Rauck, scénographie Aurélie Thomas, vidéo Pierre Martin, lumières Olivier Oudiou, son Xavier Jacquot.
Avec Claire Catherine, Cécile Garcia Fogel, Mélanie Menu, Marie-Armelle Deguy, david Houri, Pierre-Henri Puente,
Le metteur en scène et directeur de Théâtre Nanterre-Amandiers s’est attaché au roman de Sara Stridsberg, La Faculté des rêves, un récit-fiction, un voyage dans l’intimité de Valérie Solanas.
Dans une Amérique en pleine guerre du Vietnam, s’impose un monde puritain, conservateur et patriarcal, dans lequel « les hommes les plus progressistes considèrent la femme comme inférieure » – terrain de prédilection – ironie – où se débat et combat la féministe radicale, Valérie Solanas, entre coups de gueule, éclats de révolte, insultes et injures à l’égard des hommes et de leur société.
D’abord, dénoncer les expériences ignobles du viol, bien avant #metoo – l’autrice a été victime d’ « abus » paternels – euphémisme – répétés, dès l’âge de 9 ans dans la balancelle du jardin, que sa mère n’a pas voulu « voir ».
Elle porte plainte pour les épreuves d’exclusion ou d’oppression, critique convaincue du « patriarcat ».
Le corps de la femme est son champ d’expérimentation et les études de la jeune femme en psychologie confortent le développement de sa théorie à propos des gènes et des comportements.
Suite à l’agression sur Andy Warhol en 1968, elle a été internée pendant plus d’une dizaine d’années, meurt dans la solitude d’un petit hôtel crasseux des faubourgs mal famés de San Francisco : son corps abandonné sera découvert cinq jours après sa mort, à l’âge de 52 ans.
Puisque la mère de Valérie Solanas a brûlé tous ses écrits, subsiste seul l’ouvrage S.C.U.M. Manifesto (Society for Cutting Up Men, c’est-à-dire Société pour la castration des hommes). Et S.C.U.M a marqué d’un scandale en son temps (1968-1971), l’histoire d’un mouvement.
L’auteure – junkie et prostituée de l’undergound, est alors en prison pour avoir agressé l’artiste Andy Warhol qu’elle a blessé sérieusement -tentative de meurtre. Elle propose l’assassinat de tous les hommes pour épilogue d’une fiction délirante où les femmes se font les « maîtres du monde ».
Lucas Samain a adapté le roman de Sara Stridsberg pour la scène en cinq parties – de 1988 à 1945 puis à 1967,1968 et à 1969 – qui toutes débutent par des scènes du procès de la tentative d’assassinat sur Andy Warhol, des archives, et explorent les relations de l’un à l’autre. La scène passe de l’âge adulte à l’enfance et revient au temps d’une jeunesse à la fois radical et mortifère.
La folle période productive des films de La Factory d’Andy Warhol est suggérée, via la scénographie lumineuse et chic qui fait appel non seulement à des images d’archives pour la reconstitution des années 1960/1970, mais aussi à un travail élaboré sur les formes, les lignes et les couleurs – sérigraphie, photo, cinéma, espace urbain, installations vidéo.
Sur le plateau de scène, trône un Priva Lite, grand écran vitré composé de cinq vitres qui s’opacifient une par une, ou pas. Ainsi, du texte et des images sont projetés sur les vitres et écrans; un jeu vif s’installe à partir des transparences et les rayons fluo d’un Pop Art renouvelé.
L’univers formellement parfait – couleurs, lumières et images – nuit à l’invention de radicalité et d’extrémisme de l’imaginaire de l’héroïne féministe, tel un magazine de luxe de papier glacé que le public feuillèterait, ce qui, certes, sert l’esthétique d’Andy Warhol, mais met à mal la réalité trash d’une figure destroy – look et argumentation odieuse, blessante, provocatrice et insultante.
Cécile Garcia-Fogel – belle voix grave et présence contrôlée – semble bien trop clean pour correspondre à l’anti-héroïne et à sa subversion – mépris, détestation du monde et des hommes.
Il est par ailleurs lassant d’entendre sur un plateau de scène, comme dans la vie – mais la vie c’est la vie – la vanité crasse des répétitions et récurrences verbales triviales, telles les expressions « de merde », « merdique », « chiatique », « suceur de bite », un ressassement qui réduit le propos.
La mise en scène semble prisonnière d’une figure dont l’incarnation théâtrale est hasardeuse.
Véronique Hotte
Du 17 mars au 8 avril 2022, mardi, mercredi 19h30, jeudi, vendredi 20h30, samedi 18h, dimanche 15h au Théâtre Nanterre-Amandiers 7, avenue Pablo Picasso – Nanterre. Tél: 01 46 14 70 00 nanterre-amandiers.com