L’arbre le maire et la médiathèque, adapté et mis en scène par Thomas Quillardet d’après le film éponyme d’Eric Rohmer. Spectacle joué en extérieur au Parc Floral.

Malvina Plégat ( Bérénice Beaurivage, romancière), Guillaume Laloux (Julien Dechaumes, maire de Saint-Juire), Nans Laborde Jourdàa (Le Garde- Champêtre / Régis Poitraille, rédacteur en chef de Reg’Art Magazine / Monsieur Pergola, architecte) et Clémentine Baert (la femme de l’instituteur / Blandine Lenoir, journaliste)L’ARBRE, LE MAIRE ET LA MÉDIATHÈQUE d’après le scénario d’Eric Rohmer adaptation et mise en scène Thomas Quillardet assistant à la mise en scène Guillaume Laloux avec Clémentine Baert Florent Cheippe Nans Laborde Jordaa Guillaume Laloux Malvina Plégat


Après le diptyque, Où les coeurs s’éprennent, vers de Rimbaud, construit sur deux scénariI qui se répondent en écho – Les Nuits de la pleine lune et Le Rayon vert d’Eric Rohmer, sorte de traduction théâtrale de la mélancolie cinématographique rohmérienne, le metteur en scène Thomas Quillardet poursuit au théâtre avec L’arbre, le maire et la médiathèque, un autre film.

Dans L’Arbre, le maire et la médiathèque ou les 7 hasards (1992), une forme de conte, la logique des enchaînements est affectée de suspicion : sans sept « hasards », le projet purement politicien du maire de Saint-Juire de construire une superbe médiathèque n’aurait peut-être pas échoué.

Les Comédies et Proverbes s’interrogent sur la substitution à une morale d’un système de normes sociales où les dialogues sont omniprésents, les conversations d’une belle jeunesse exaltée.

L’histoire est politique qui peut correspondre immédiatement à nos prochaines élections régionales et à nos élections présidentielles plus lointaines – proposition d’une fable écologique visionnaire.

Au centre des soucis de ce monde, trônent un bouquet d’arbres et son paysage provoquant la révolte, la quête de l’idéal, mais aussi, à partir de cette époque qui pourrait paraître désuète pour les spectateurs masqués par la pandémie, l’intuition d’une inquiétude exactement contemporaine.

L’Arbre, le maire et la médiathèque adapté par Thomas Quillardet évoque les questions de génération future, d’écologie, d’architecture et d’agriculture. A partir de l’histoire d’un village de Vendée, le conte évoque l’aventure de Julien, jeune maire socialiste, qui souhaite doter sa commune d’une médiathèque. Un instituteur, entre autres habitants, s’oppose farouchement à ce projet démesuré qui exigerait en outre d’abattre de vieux arbres, ce qui « défigurerait » le village.

S’engage un combat idéologique où Rohmer soulève par anticipation nos problèmes actuels d’une urgence plus marquée encore. Le metteur en scène précise : « Nous, humains de 2021, sommes ravagés et hantés par des questions que ces personnages de 1992 posent « l’air de rien ». Visionnaires et surannés, tendres et agaçants, ils préparent le monde dont nous avons hérité. »

Pour Thomas Quillardet, le spectacle traite de visions renouvelées du monde, d’actions citoyennes et de choix collectifs, à travers un débat politique nourri et tendu – en extérieur et sur la place publique -, à propos de l’élucidation des questions de liberté, de choix et d’indépendance, celles de la femme et de tous, l’attrait de la campagne, des vies intimes, des modes de vie collectifs.

Convictions politiques, ambitions personnelles et volonté de plaire aux habitants du village vendéen, Julien Dechaumes, maire socialiste – interprété par Guillaume Laloux – jeune loup en herbe sympathique et timide encore – vise les élections législatives, ayant obtenu une subvention de la Culture pour doter son village d’une médiathèque. 

En compagnie de son amie, l’écrivaine parisienne Bérénice Beaurivage, il reçoit la visite d’un ami Régis Poitraille, rédacteur en chef de Reg’Art Magazine, afin d’obtenir son appui médiatique.

Au côté de Régis Poitraille, la journaliste Blandine Lenoir, séduite par la démarche du maire, veut  lui consacrer un article. Elle interviewera quelques figures locales dont l’instituteur Marc Rossignol, opposé au projet, vu l’abattage de vieux arbres que la construction du bâtiment provoquerait.

Au théâtre placé dans la verte campagne du Parc floral jouxtant la Cartoucherie de Vincennes, des bancs de foin paradisiaques sont installés pour les spectateurs, un arbre trônant au centre de la « salle » à l’air libre, donnant à voir la scène située dans un lointain de champ de verdure – avoine, coquelicots, bleuets -, le grand ciel bleu au-dessus de soi, les chants des oiseaux pour musique, les promeneurs du week-end en balade, et les enfants rieurs complétant le tableau bucolique.

Les paniers de pique-nique colorés avec serviettes et boissons préparées dessinent des Déjeuners sur l’herbe,à la fois spontanés et savamment recomposés, touches de couleurs et épis.

La femme de l’instituteur (Clémentine Baert), étendue sur une couverture, et l’amie du Maire (Malvina Plégat), se coulent dans le décor, inscrits – plaisir et joie – dans ce morceau de nature. 

La première observe les dires et les mouvements de son époux avec nonchalance et sourire; la seconde débat à coeur ouvert et esprit facétieux – comédie savoureuse – , s’amusant à développer ses arguments et convictions pour avoir raison. Ainsi, l’idée défendue que la qualité première de Paris serait l’excitation que procure la ville – idée à contre-courant aujourd’hui, quand on voit les suites du confinement provoquant la fuite des urbains vers les régions, loin de la grande ville. 

Aussi, avec le Covid-19 et ses confinements à répétition, parle-t-on de plus en plus de double résidentialité qui séduit toujours davantage d’urbains, pour ceux qui peuvent se le permettre. En tête, des Franciliens agiles qui veulent combiner activité et vie citadines, espace et verdure.

Or, l’arrivée loufoque à vélo du garde-champêtre (Nans Laborde-Jourdàa) – annonces déclamées -, descendant les côtes à grande vitesse et fonçant près de la foule est d’un comique réussi. Le même comédien joue, rôle antithétique, l’architecte satisfait, content de lui et sûr de ses talents.

Il incarne de même, peu avant, l’ami, cousin et rédacteur en chef de la revue.

Florent Cheippe est l’instituteur royal que tout public attend, déterminé, porté par le souci de la planète et celui de ses contemporains, esprit collectif et service public, un Platonov attachant, un rêveur tchékhovien rayonnant. Sa fille teenager (Liv Volckman), short et collants colorés, qui le suit sur son chemin d’émancipation pour la sauvegarde de la planète va plus loin que lui : elle agira.

Un spectacle revigorant – humour et malice – au regard acidulé, jouant d’une moquerie souriante, illuminant les discours prometteurs d’avenir meilleur, entre petites lâchetés et grandes incertitudes.

Véronique Hotte

Les 4 et 5 juin à 16h, les 11, 12, 18 et 19 juin à 18h, dimanche à 14h30 au Parc Floral La Tempête, Cartoucherie 75012 Paris. Tél: 01 43 28 36 36.

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