Une des dernières soirées de Carnaval de Carlo Goldoni, texte français de Myriam Tanant et Jean-Claude Penchenat (Actes-Sud Papiers), mise en scène de Clément Hervieu-Léger.

Crédit photo : Brigitte Enguérand.

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Une des dernières soirées de Carnaval de Carlo Goldoni, texte français de Myriam Tanant et Jean-Claude Penchenat (Actes-Sud Papiers), mise en scène de Clément Hervieu-Léger.

Le metteur en scène Clément-Hervieu note que le dramaturge Carlo Goldoni désespère en 1762 de pouvoir imposer la réforme théâtrale qu’il souhaitait.

Goldoni se lasse des canevas hérités de la Commedia dell’arte dont le théâtre italien se nourrit, préférant désormais installer le texte au cœur de la représentation. Incompris du public vénitien, l’homme de théâtre décide de partir pour Paris.

Franck Medioni, dans Carlo Goldoni (Folio Biographies Gallimard), informe que le metteur en scène fait jouer en 1762 : Une des dernières soirées de carnaval –  la fin du carnaval correspondant à la fin de la saison théâtrale.

Il s’agit ainsi d’une dernière théâtrale, la pièce étant l’adieu artistique de Goldoni à sa troupe et à son public, et jouée une semaine avant son départ de la « Sérénissime ».

L’atelier du tisserand Zamaria  – Daniel San Pedro, hôte des lieux, très à son aise – représente le théâtre Saint-Luc. Le jeune premier est le dessinateur de tissus Anzoletto, appelé à Moscou pour y perfectionner les motifs de tissus à la vénitienne.

Contraint de s’exiler, Anzoletto fait ses adieux à Venise – déception et mélancolie. Or, le jeune homme quittant son milieu, songe à renouveler son art au contact du goût moscovite, il est sûr de son choix et envisage son travail à l’étranger comme une expérience lui permettant d’aller plus loin dans son art- à la fois, inquiétude et espoir.

Goldoni espère bien, lui aussi, pouvoir commencer en France, à défaut de Venise, une nouvelle carrière fondée sur un mélange entre le goût italien et le goût français.

Toujours est-il que dans la mise en scène d’Une des dernières soirées du Carnaval par Clément Hervieu-Léger, ce dernier soir de fête chez le tisserand Zamaria, les invités arrivent les uns après les autres pour un festin entre amis où l’on parlera du départ d’Anzoletto et de ses amours puisqu’il aime la fille du tisserand, Domenica.

Une série de couples arrive peu à peu pour la soirée – un couple d’amoureux enclins à se disputer souvent, mais inséparables ; un couple plus assis dont la dame accomplie et facétieuse est encline aux petits arrangements quand on lui demande conseil. Un autre couple dont l’épouse passe son temps à se plaindre, délivrant à un mari asservi, atermoiements, empêchements et exigences d’accompagnement.

Enfin, une dame plus âgée – la Française – qui prétend aimer le jeune dessinateur.

Et entre le dîner où l’on mange des pâtes savoureuses, et la table de jeu où l’on joue aux cartes, chacun s’exprime et parle à son voisin – réflexe d’une société agréable.

Le spectateur prend plaisir à suivre tant de vie et tant de jolis échanges entre les convives, reconnaissant les sentiments d’amour, d’envie, de jalousie et d’amitié, le reflet fidèle de toute réunion entre amis et collègues qui s’apprécient plus ou moins.

Transparence des êtres et bonheur d’être ensemble jusqu’à la réconciliation finale, le temps d’une soirée incandescente, dans la musique, la danse, le chant et les rondes.

La « socialité » du théâtre de Giorgio Strehler qui appréciait fort le théâtre de Goldoni, et dont Bernard Dort faisait la critique : « C’est là que réside la véritable finalité d’un théâtre : dans sa vie strictement esthétique, poétique, qui devient d’elle-même – lorsqu’elle est vraiment poésie – génératrice de socialité. »

Et le public se voit convié à partager les instants fugitifs d’une communauté d’amis.

Jolie socialité à laquelle accède le théâtre de Clément-Hervieu Léger, avec sa troupe de comédiens franco-suisses – le spectacle a été créé au Théâtre de Carouge en Suisse – dont nous ne pouvons citer la liste longue mais combien talentueuse.

De plus, le soleil intérieur advient sous le conseil musical du beau chanteur lyrique Erwin Aros, tandis que joue un duo puis un trio de cordes, et que le groupe d’amis s’adonne joyeusement aux danses collectives de l’époque – rondes, gavottes et riantes danses de couples.

Un spectacle plein de grâce et de chaleur conviviale qui dépasse toute mélancolie.

Véronique Hotte

Théâtre des Bouffes du Nord, 37 (bis) boulevard de la Chapelle 75010 – Paris. Tél : 01 46 07 34 50. Les Célestins, Théâtre de Lyon, du 4 au 14 décembre. Scène Nationale d’Albi, les 17 et 18 décembre. Théâtre de Bayonne – Scène nationale du Sud-Aquitain, les 16 et 17 janvier. Théâtre de Caen, du 21 au 24 janvier 2020. La Coursive – Scène nationale de la Rochelle, les 28 et 29 janvier 2020. Théâtre de l’Olivier Istres, le 1er février 2020. Théâtre en Dracénie Draguignan, le 4 février 2020. Théâtre Sortie Ouest Béziers, les 7 et 8 février 2020. Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne, le 11 février 2020. Le Tangram – Scène nationale d’Evreux, le 13 février 2020. Théâtre Saint-Louis Pau, les 18 et 19 février. L’Avant Seine, Théâtre de Colombes, le 25 février 2020. Théâtre de Suresnes Jean Vilar, les 27 et 28 février 2020.