Trois Songes (Un Procès de Socrate), texte Oliver Saccomano, d’après le Premier Alcibiade, Euthyphron et L’Apologie de Socrate de Platon, mise en scène Olivier Coulon-Jablonka, « Festival Odyssées en Yvelines », 18 janvier – 7 avril

Crédit Photo : M. Lobbe

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Trois Songes (Un Procès de Socrate), texte Oliver Saccomano, d’après le Premier Alcibiade, Euthyphron et L’Apologie de Socrate de Platon, mise en scène Olivier Coulon-Jablonka, « Festival Odyssées en Yvelines », 18 janvier – 7 avril

 En 399 avant J.-C., Socrate est accusé par le tribunal d’Athènes d’inventer de nouveaux dieux, de troubler l’ordre de la cité et de corrompre la jeunesse. Il assure à ses juges qu’il continuera, s’il est acquitté, à toujours aller dans les rues de la ville et à discuter avec tous ceux qu’il croisera, jeunes et vieux, riches et pauvres, gens de peu ou de beaucoup de foi. La création de Trois Songes (Un procès de Socrate), inspiré de Platon, écrit par Olivier Saccomano et mis en scène par Olivier Coulon-Jablonka, ne pouvait pas mieux tomber en ces temps présents bousculés : le spectacle s’offre au regard d’une classe ou deux de lycée – le lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie -, un exemple du vrai public comme de la relève de demain.

Échanger à travers la discussion avec les esprits en herbe qui demandent à être éclairés, tel est l’enjeu : « Ce n’est pas que cette jeunesse soit incorruptible : il est même facile à ceux qui entretiennent chez elle le désir du pouvoir et de l’argent, qui lui vendent les discours et les vêtements de la réussite, de détruire ou d’avilir cette jeunesse, car je n’ai pas d’autres mots – la destruction ou l’avilissement – pour ce qu’on appelle la corruption. »

À l’opposé, Socrate ne promet à ces jeunes que la recherche ardue d’un bien – la justice et ce que nous sommes prêts à lui sacrifier. Il affirme en même temps qu’il œuvre et travaille à porter haut l’élan vital de la jeunesse afin d’affermir sa pensée. Socrate n’adoucit pas ses juges, il doute de la légitimité de leur tribunal, il ne craint pas la mort physique mais celle de l’âme. Le sage livre en logique sa dernière leçon : il est préférable de subir l’injustice que de la commettre. La vie n’a de valeur que si elle est juste, il faut donc être prêt à mourir pour ces valeurs – une éthique.

La nuit du philosophe avant sa mort est scandée de trois songes, et les êtres qui ont compté pour Socrate reviennent le visiter : l’impétueux Alcibiade, son ancien disciple, la redoutable Xanthippe, sa femme, et un adolescent inconnu : le public peut-être.

De la même façon que Socrate invectivait les Athéniens, deux acteurs, Jean-Marc Layer et Guillaume Riant, se prêtent au jeu avec humilité et conviction, indistincts quand ils prennent place au milieu des spectateurs, l’air à la fois ingénu et éveillé.     Ils sont tout à tour le maître et le disciple, Socrate lui-même ou son double ; ils renversent les rôles – le philosophe, le politicien, le religieux, le juge – pour examiner les rapports qui fondent la cité et révéler le tissage dialectique des visions de chacun.

La mise en scène s’installe dans une salle de cours – écrans vidéo et réseaux sociaux, avec fiches d’identité apparentes -, une soixantaine de chaises pour les spectateurs, et tables rangées avec leurs travées pour le passage des interprètes.

Nul piédestal – ni estrade ni pupitre surélevé pour dominer l’assemblée du public-, le locuteur proche intervient sur le même pied d’égalité que ses destinataires.

Songer, rêver, inventer des liens autres entre les mots et les choses, entre les existences aussi, c’est se livrer à la philosophie. La question du bonheur se pose à l’infini, le public « rehaussé » est heureux d’accompagner ce cheminement éclairé, entre l’ironie, le sourire et la crainte qui se faufilent à travers les prophéties : « Mais quand je serai parti, d’autres viendront. Ils demanderont des comptes et ils seront plus jeunes. Et plus ils seront jeunes, plus ils seront violents. » À méditer sans fin.

Véronique Hotte

Festival Odyssées en Yvelines –Théâtre Sartrouville et des Yvelines CDN, du 18 janvier au 7 avril

Lycée Le Corbusier – Poissy, le 4 février. Lycée Condorcet – Limay, Lycée Jean Vilar –Plaisir, Lycée Léonard de Vinci – Saint-Germain-en- Laye, Lycée La Bruyère – Versailles, du 8 au 12 février. Lycées des Sept Mares – Maurepas, Lycée Dumont d’Urville – Maurepas, Lycée Saint-François d’Assise – Montigny-le-Bretonneux, du 15 au 19 février. Lycée louis-de-Broglie – Marly-le-Roi, le 22 mars, Médiathèque Blaise Cendrars – Lycée Simone Weil – Conflans-Sainte-Honorine, le 24 mars. Lycées du Mantois, du 4 au 8 avril. Lycée Nouvelle Chance Kastler – Cergy-Pontoise, le 20 mai. L’Apostrophe-Scène nationale Cergy-Pontoise & Val d’Oise, du 20 au 21 mai.