Le poids des fourmis, texte David Paquet, mise en scène Philippe Cyr à La Manufacture, Avignon Off.

Crédit photo: Yanick Macdonald.

Le poids des fourmis, texte David Paquet, mise en scène Philippe Cyr, scénographie Odile Gamache, costumes Etienne René-Contant, éclairages Cédric Delorme-Bouchard, conception sonore Christophe Lamarche-Ledoux, avec Nathalie Claude, Gaétan Nadeau, Elisabeth Smith, Gabriel Szabo.

D’un mauvais goût ravageur entre mauvaise télé de divertissement et magasin de produits toc en tous genres, « Le poids des fourmis » donne à deux jeunes gens rebelles l’occasion d’interpeller le public avec une belle faconde québécoise, et de crier: « Battons nous pour la planète et pour l’humanité plutôt que de faire l’autruche ».

Sérieux sur le fond et délirant dans la forme, le pièce écrite par David Paquet et mise en scène par Philippe Cyr est un conte qui détourne les éternels films ou séries  américaines pour la jeunesse où la remise des diplômes, les querelles parentales, les jeunes amours préludent un monde de concurrence et du chacun pour soi, sous-entendu  comme seul futur possible. Jeanne, Elisabeth Smith, tient de Greta Thunberg, crieuse d’alerte,  passionaria enflammée et pugnace, alors qu’Olivier, Gabriel Szabo est plutôt d’abord timide, rêveur puis finalement inventif et dés-inhibé dans l’agitprop.

L’argument est faussement ludique: un directeur de lycée doit utiliser une subvention d’état reçue au vu des résultats scolaires lamentables de son établissement et a l’idée « d’une semaine du futur ». A  l’élection des délégués détournée en concours d’éloquence sur l’avenir de la planète forcément anxiogène succèdera un grand bal pour oublier tous les thèmes mortifères: « Des élections pour vous faire croire que vous avez du pouvoir. Puis après une party costumée pour montrer que vous n’en n’avez pas »

Tout est foutraque dans la mise en scène, les costumes  pas possibles et la scénographie de pacotille où trône un palmier fluo et deux fauteuils relax surplombant une mer de balles plastiques, un îlot à la dérive qui ignore les périls.

 Le directeur est en chemise hawaïenne et en bermuda comme l’intendante du lycée. Gaétan Nadeau et Nathalie Claude jouent tous les rôles d’adulte, ceux de parents surtout, désillusionnés pour la plupart et prônant le renoncement à l’effort et à la remise en question de leur mode de vie. D’abord affalés dans des fauteuils sous un palmier fluo comme dans les mauvaises pub pour produits de beauté ou vacances paradisiaques, ils incarnent tout ce qu’il ne faut pas faire pour l’avenir de la planète.

Face à eux et au public, Jeanne et Olivier se démènent, passant par tous les stades d’un act up pour mobiliser leurs camarades apathiques. La langue est  pleine de trouvailles dans la lignée d’ Ubu et d’Alfred Jarry, la « Marde » remplace le « Merdre», mais c’est tout comme. La vulgarité et la bêtise aveugle de la société de consommation, le renoncement à toute solidarité, à tout espoir de construction d’une société juste et  fraternelle sont dénoncés avec un humour corrosif et destructeur et une multitude de personnages et de facéties qu’inventent les deux jeunes gens

Même si la confrontation entre la jeunesses et le cynisme flemmard  ou trouillard des vieux est l’argument répété à l’envi tout au long de la  pièce, « Le poids des fourmis » est une farce cocasse, optimiste, à la sincérité désarmante, montée avec vivacité. Une façon explosive d’aborder l’aveuglement et la paresse devant les nécessaires adaptations au changement climatique, si éloignée de l’aigreur générale qui règne en maîtresse sur notre vieux continent. 

Un bon viatique contre la bêtise aux portes du pouvoir.

Louis Juzot

Au Festival off d’Avignon, du 4 au 21 juillet ,relâches 10 et 17, 10 heures, La Manufacture, Collectif Contemporain, 2 rue des Ecoles 83000 Avignon. Le18 mars 2025 Scène Nationale de Dieppe. Les 27 et 28 mars, L’Estive, Scène Nationale de Foix. Les 2 et 3 avril, Opéra via Le Totem Avignon. Les 10, 11,12 avril, Festival Viva, Am Stram Gram, Genève. Le 24 avril, Théâtre de Langres. Le 29 avril, Festival Youth is Great, Le Grand Bleu, Lille.