M.A.D !, texte et mise en scène Joséphine Serre, au Théâtre de la Tempête.

Crédit photo: Vahid Amanpour.

M.A.D !, texte et mise en scène Joséphine Serre, dramaturgie Frédéric Cherboeuf, son Frédéric Minière, lumières Pauline Guyonnet, vidéo Véronique Caye, scénographie, costumes Caroline Oriot, avec Joris Avodo, Xavier Czapla, Camille Durand-Tovar, Arnault Lecarpentier, Zacharie Lorent, Joséphine Serre.

Tout commence avec un appel au public et un jeu où chaque spectateur est invité à se lever après avoir énoncé un mot qui lui évoque la forêt, façon de composer la richesse et la diversité d’un milieu qui s’appauvrit alors qu‘il est plus vital que jamais pour la planète. Après cet échauffement, on passe au classique Macbeth, ses sorcières et la forêt qui marche… M.A.D ! , Monde à Défendre ou Fou tout simplement, est un patchwork de scènes  hasardeuses où la philosophie se mêle au burlesque, où le temps est hors de contrôle : le premier pas sur la lune voisine avec la destruction des civilisation amérindiennes, de l’apparition de l’homo sapiens humilis, de ses croyances primitives jusqu’à son diktat suicidaire sur la nature.

Il y a pourtant un fil conducteur, celui de la mort d’un militant écologiste, ici un jeune biologiste, herboriste, comme Jean- Jacques Rousseau, solitaire et pacifique suivi par son chien Walden, du nom du livre-lieu d’Henry David Thoreau qui a inspiré l’ambiance  de ce théâtre forestier. Quant au fond, l’intrigue imaginée par Joséphine Serre part de ce fait réel et tragique : la mort de  Rémi Fraisse en octobre 2014 dans le cadre de l’affrontement violent, entre forces de l’ordre et mouvement zadiste, opposé au  barrage de Sivens.

Le héros, interprété par Joris Avodo, même s’il associe les caractères du jeune militant disparu, a tout d’un héros antique que sa sœur, Camille Durand-Tovar,  d’abord étrangère à son combat, va rejoindre spirituellement après sa mort, afin que perdure l’esprit de résistance. La réalité se mêle au mythe, cette sœur est une  Antigone activiste écolo et devient la porte-parole d’une cause universelle.

A leurs côtés, se déploie une galerie de personnage dont se détachent deux d’entre eux aux solos exubérants d’un jardinier qui se prend pour Niels Armstrong et d’un conquistador illuminé. Avec ses yeux pétillants, son activité  incessante et décalée, sa bonhommie désarmante, Arnault Lecarpentier, sorte de M Hulot des forêts, déclenche un rire de bon aloi. D’une autre drôlerie, le remake d’ « Aguirre où la colère des Dieux » par un Klaus Kinski plus inquiétant que nature est remarquablement restitué par Xavier Czapla.

Pour compléter l’affaire, Joséphine Serre est la shaman de service et Zacharie Lorent  est un Walden Anubis, gardien des morts et en l’occurrence, de l’esprit de son maître, tout droit sorti de la mythologie égyptienne. 

Les images sont souvent belles dans une lumière nocturne où la forêt est joliment suggérée, tout comme la bande son déroulée en live par Frédéric Minière. Les espaces comme la table conviviale des zadistes surmontée d’une banderole « nous habitons vos ruines » ou les espaces plus secrets et embrumés distillent une ambiance singulière.

C’est moins réussi dans les paroles, les discussions s’étirent  trop longuement et nuisent par leur insistance maladroite à un déroulé qui porte sa cohérence. Qu’importe, tout ce fatras à la Prévert offre un conte réjouissant et une vraie théâtralité vivante et enjouée. 

Louis Juzot 

Jusqu’au 23 juin à 20h, dimanche 16h, au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.Tel :01 43 28 36 36 , http://www.la-tempete.fr