Retours de Fredrik Brattberg, mise en scène de Simon Delétang, dans l’itinérance du Théâtre de Lorient – CDN.

Crédit photo : Jean-Louis Fernandez.

Retours de Fredrik Brattberg, mise en scène de Simon Delétang. Avec Julien Chavrial, Pauline Moulène et la participation d’un jeune comédien amateur, Anselme Simon. Traduction Terje Sinding (L’Arche – agence théâtrale. www.arche-editeur.com). Scénographie Simon Delétang, collaboration lumière Jérôme Le Dimet, collaboration son Yannick Auffret et Nicolas Lespagnol-Rizzi, collaboration costumes Sandra Breiner.

Coeur battant du projet artistique du Théâtre de Lorient, la saison en itinérance sur vingt communes du Morbihan et de Bretagne comprend quatre spectacles irriguant le territoire  – Retours, Cinéma, Sur l’aile d’un papillon et Petite Iliade en un souffle – dans des lieux divers – salles des fêtes, centre pénitentiaire, établissements scolaires…, et ainsi au Saint Pitô dans la commune du Saint, équipée d’un chapiteau et piste de cirque achetée aux Haras d’Hennebont. 

L’Itinérance concerne les communes morbihannaises de Groix, Plœmeur, Lorient,  Hennebont, Port-Louis, Locmiquélic, Riantec,  Landévant, Locminé, Saint-Jean-Brévelay, Vannes, Pontivy, Locmalo, Guémené-sur-Scorff, Ploërdut,  Plouray,  Gourin, Meslan, Plouay, Quimperlé, Elle permet de connecter des collectivités souhaitant présenter des spectacles dans leurs équipements municipaux; avec au moins une création par saison, créée in situ. Dès novembre 2023 jusqu’à juin 2024 et avant la reprise dès l’automne 2024, Simon Delétang, directeur du Théâtre de Lorient – centre dramatique national, a initié le projet en créant Retours de Fredrik Brattberg.

Gustav a disparu depuis plusieurs mois. Tout porte à croire qu’il est mort, et ses parents sont effondrés; ils organisent un enterrement symbolique où les amis de Gustav sont invités à déposer dans le cercueil des objets évoquant le défunt. Or – miracle -, Gustav ressurgit : la vie reprend…

Au bout de quelque temps, Gustav disparaît de nouveau. Ses parents organisent un nouvel enterrement symbolique, moins fastueux que le premier. Encore une fois Gustav réapparaît, et la joie des retrouvailles est moins exubérante. Puis les disparitions et les réapparitions se succèdent. Les parents de Gustav trouvent certains avantages à être seuls et se montrent de moins en moins enthousiastes à retrouver leur fils. À la fin, excédés, ils le terrassent : Gustav refuse de mourir…

Le traducteur Terje Sinding estime que la névrose familiale est récurrente dans le thêâtre et le cinéma nordiques – Ibsen, Strindberg, Jon Fosse, Ingmar Bergman. Retours propose une comédie noire loufoque, révélant la violence des rapports entre les êtres et la cruauté. La pièce adopte la structure musicale de la répétition et de la variation, de l’accélération de l’action à son extinction.

Pour le metteur en scène Simon Delétang, l’écriture dramatique de Brattberg, musicien à l’origine, maîtrise le rythme et la répétition sur des thèmes familiaux – les relations parents enfants – entre enquête policière, proximité familière et tension trouble, ajustées aux lieux d’accueil du territoire:

« drame en apparence hyper-réaliste situé dans le salon d’une maison d’aujourd’hui, Retours bascule dans le fantastique sans repères temporels, créant un comique singulier et cruel. »

Soit l’éternel retour du fils disparu dans une avalanche qui revient chez ses parents, avant de disparaître puis revenir, après une noyade, un accident de moto … – comique doux amer. Peut-être sont-ce les situations catastrophiques et tragiques de fantasmes parentaux, face à une exigence filiale absolue qui ne consent de soi nul retour sentimental en échange, mais la gratuité affective.

« Pourquoi vous n’avez pas mis de couvert pour moi ? »: le fils ne doit nulle explication aux siens.

Julien Chavrial est ce père inquiet, rêveur et précautionneux, ayant perdu son emploi et attiré par le voisinage extérieur dont un propriétaire de chien qu’il exècre et a l’habitude d’exécuter verbalement, crispé sur d’infimes événements, alors que seule l’occupe la disparition de son fils.

Pauline Moulène, la mère, énergique, semble déterminée, troublée par l’apathie de son mari: elle prend peu à peu la situation en main, s’adaptant aux retours intempestifs du fils – Anseime Simon – qui déstabilise le public en se jetant en bête bruyante sur son assiette. Progressivement, les saynètes s’enchaînent, et les cris inhumains de la mère et ceux du père paraissent s’envoler dans les airs outre-mesure et plus que de raison, dénonçant une folie intérieure savamment celée.

Entre quotidien et fantastique, entre raison et passion, entre mélancolie schubertienne et forêt romantique, telle est la scène significative d’une vie familiale bousculée et bourrée en même temps de moments festifs joyeux où tous dansent au son de Wouldn’t It Be Nice par les Beach Boys.

Un spectacle tonique et plein de vie, en dépit des malaises sourds et du mal-être quotidien.

Véronique Hotte

Production Théâtre de Lorient – Centre dramatique national. Spectacle vu le 7 juin 2024, Saint Pitô, à Le Saint (Morbihan). Du17 au 20 décembre 2024, Théâtre de Lorient – Centre dramatique national (Morbihan). Du13 au 25 janvier 2025, Comédie, Centre dramatique national de Reims (Marne). Du 4 au 6 février 2025, Théâtre de Cornouaille, Quimper (Finistère). Le 26 février 2025, Théâtre du Champ au Roy, Guingamp pôtes d’Armor).